• le rose welle

     

    un beau gâteau que j'avais fait pour une personne qui aimait les extraterrestres et mon portefeuille mais bon il me reste ma créativité si vous voulez la recette n'hésitez pas 

     
     
     
     
     


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    http://www.tribunes.com/tribune/sel/ivan.htm

    Ballade sur la mer salée : Essai de mythologie comparée sur le thème du sel

     

     

     

    Jacques Ivanoff

    Institut de recherche sur le Sud-Est Asiatique, CNRS-UMR 9962, Le Sulky, 13084 Aix-en-Provence, France


    Sire, que Dieu vous donne un bon jour !
    Je crois bien que vous ne vous attarderez guère ici : 
    ce serait perdre votre temps. Vous allez nous laisser ... 
    Nous vous avons reçu si pauvrement ! 
    Mais je prie Dieu qu'il vous prépare un meilleur hôtel, 
    où vous puissiez trouver à discrétion pain, vin, sel, et toutes bonnes choses. 
    La légende arthurienne, le Graal et la Table Ronde, Perceval le Gallois, 1989, p. 32.

     


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    Les nécessités biologiques de consommation de sel, puis les traditions culinaires développées à partir de celles-ci, ont donné naissance à des constructions mythologiques très poussées et souvent communes entre des régions différentes. Ainsi les éléments énoncés dans l'exergue ci-dessus forment une trilogie : pain, vin, sel qui n'est pas sans rappeler la trilogie sud-est asiatique, riz, eau, sel. 

    Outre l'analyse des connotations rituelles de ces trilogies, nous verrons que les sécrétions corporelles des dieux sont souvent citées comme étant à l'origine des eaux salées.

    Enfin, les circuits d'échanges ont ouvert les routes du sel un peu partout dans le monde et la maîtrise de ce marché permettait l'expression du pouvoir politique. Le sel peut aussi faire sortir un clivage social entre les détenteurs de sel qui peuvent obtenir par échange ce qui leur manque ou faire imposer leur volonté sur les demandeurs de sel, par exemple durant les royautés médiévales occidentales ou bien durant le Cambodge des Khmers Rouges (1) ou à Bornéo (2) (a) et même en Chine (3). Le sel est donc un instrument politique, comme d'ailleurs l'a compris Gandhi lors de sa marche du sel.

    Ces observations préliminaires peuvent justifier les comparaisons entre les deux univers mythologiques, asiatique et occidental.
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    De l'ordonnance du monde et de la société

    Outre la distinction Asie du Sud-Est continentale et Asie du Sud-Est insulaire, on peut faire ressortir, grâce à la consommation de sel, un clivage culturel ou géographique entre hautes-terres et basses-terres et entre nomades et sédentaires; c'est-à-dire peuples de rizières inondées et peuples itinérants ou nomades forestiers (Semang par exemple) et marins (Bajau et Moken) qui ne produisent pas, ou plus, de sel. 
    On peut donc faire valoir une typologie des sociétés sud-est asiatiques (b) :
    - peuples de riziculture inondée de plaine (Vietnamiens, Thaïs, Khmers...), mangeurs de saumures;
    - essarteurs et souvent dans l'intérieur de terres (Dayaks, Cau Maa'...), mangeurs de sel;
    - nomades ou semi-nomades (Papou, Punan, Bajau...), mangeurs de végétaux ou de viandes riches en sel.

    Plus que la nécessité biologique, c'est le goût salé qui importe. Le sel introduit une catégorisation dans la cuisine : savoureux et salé en opposition à fade et non salé (c). A côté du sel (et du monoglutamate de sodium ) et des saumures, les condiments ont aussi leur rôle à jouer dans la lutte contre la fadeur. Trois états sont associés au sel : le sec, l'humide et le solide, qui renvoient respectivement aux salaisons, auxsaumures (d) (liquides comme le nuoc mam du Vietnam, le nam pla ou le pla som de la Thaïlande, le pla ra et le pla dek du Nord-Est de la Thaïlande et du Laos) et aux pâtes (soit à base de poissons fermentés ou écrasés auxquels on ajoute du sel - le prahok du Cambodge, le bromé de Florès - soit de crevettes) chacun des éléments se classant soit dans la catégorie du chaud, soit dans la catégorie du froid. 

     

     

     



    Mais, le sel est un moyen de classifier non seulement le monde sensible mais l'univers. Un des mythes sur l'origine du riz chez les Malais du sud de la Thaïlande explique que la combinaison riz - sel relève du domaine des dieux et de leurs modes d'association avec les hommes. Un de ceux-ci passe par le sacrifice d'un enfant qui, en donnant son âme, donnera le riz; ensuite, comme récompense du travail de l'homme, la sueur de dieu sera offerte pour relever cette nouvelle nourriture.

    Pour que le riz soit il fallut découper un enfant.
    Mais le riz doit aussi à la sueur du Seigneur.
    En effet le riz est bon quand il est salé.
    On pile ensemble crevette et poisson.
    Mais si on ne verse pas de sel ce n'est pas bon.
    Mais si on y ajoute pas de salé ce n'est pas bon.
    (Extraits de conversation suivant la récitation d'un mythe d'origine du riz; Narathiwat).

    Le riz est donc l'aliment de base, parfois divin, toujours vivant, mais il n'est qu'une étape sur le chemin de la socialisation car, sans le sel ou le goût salé ou - marque plus profonde du développement - sans les saumures et salaisons, l'homme ne pourra se réaliser pleinement.

     

     



    Rituels

    Pain, vin et sel : une association aux connotations religieuses évidentes, où la consommation rituelle du corps de la divinité transmutée fait écho, par exemple, à "l'alliance du sel" des pays arabes où l'on peut considérer le sel comme un substitut du sang. Ceci pose tout de suite une possible équivalence des substances sel et sang (4) (5) (6) (7). Le sel est surtout un signe d'alliance et d'union (8); il est sur la table d'hôte "premier mis et dernier osté", indissociable du vin et du pain, images du sang et du corps du Christ. 

    "Le pain, le sel, le vin, font également l'objet d'une sourcilleuse attention : du vin est présenté aux dieux lares; la salière ne doit pas être renversée, néfaste présage; le pain ne peut être rompu mais doit être découpé au couteau, celui-ci chassant par son caractère tranchant, les mauvais esprits." (9) p. 337.

    Le sel, matière mythique originelle, est récupéré par le système religieux chrétien qui montre ici sa faculté syncrétique plus poussée que celle du bouddhisme.

    "Dans le repas par excellence, celui de la Cène, Jésus a partagé le pain avec ses apôtres. A-t-il aussi partagé le sel ? C'est probable, si on se réfère à la parabole du sel dans le Sermon sur la montagne. C'est en tout cas l'interprétation de Léonard de Vinci, puisqu'il a mis une salière sur la table de la Cène. Il a même poussé plus loin encore la représentation symbolique en renversant la salière devant Judas, en signe de l'alliance rompue." (10) pp. 32-33.

    Ce sel, instrument de passage, est aussi souvent nécessaire dans les offrandes car, comme d'autres éléments magiques en Asie (11) p. 381 (12) p. 3 et en Occident, "il est doué de vie religieuse(e). Non seulement est-il porteur de sacré mais il est aussi à l'origine de la vie, notamment chez les Moken :

    "La benjamine seule demeura humaine... (elle) descendit la montagne en suivant le cours de la rivière. Elle se dirigeait vers la côte, goûtant de temps à autre l'eau. Dès que l'eau devint salée, elle tomba enceinte." Extraits du mythe du dugong.

    Bien que le sel porte la vie, à l'image du sperme, il peut aussi être assimilé au châtiment. Source de vie ou de mort, c'est une puissance avec qui l'homme doit composer. En cas de participation à un avortement tardif, les Malais de Patani, qui pourtant utilisent le sel pour les rituels concernant leurs nouveaux-nés, "will be forced to eat the foetus between them with 'salt' or 'bitter water', each being given a knife, compelled to cut off pieces, dip them in the 'bitter water', and devour them in turn". (13) p. 65. 

     

     



    Pourquoi l'eau de mer est salée ?

    Le sel permet les "disjonctions" originelles offrant à l'homme la possibilité d'organiser le monde à sa manière pour en devenir la créature élue. La toute première disjonction scinde une étendue liquide en eau salée et en eau douce. 

    Selon un mythe thaïlandais sur l'origine de l'eau de mer (14) p. 366, il s'agit d'une meule magique qui, passant de main en main, finit par aboutir chez un marchand de sel qui en demanda tant que son navire coula et que la meule magique, n'arrêtant pas de produire, sala la mer. Ce mythe sur l'origine de l'eau de mer est très commun et il en existe des versions japonaise, grecque, norvégienne, irlandaise, scandinave, chinoise, antillaise, jusque dans les montagnes du Kentucky .... (voir (14) p. 373). Aux Philippines, on raconte que c'est un pont divin qui se brise par la négligence d'un homme portant du sel. De nombreuses populations restent cependant très discrètes sur la salinité de la mer : Certaines l'expliquent mais définissent avec difficulté l'origine. 

    En Occident, Poséidon et Neptune, dieux de l'élément salé reconnus, étaient à leurs origines des dieux plus chtoniens (f) que marins et plus proches de l'eau douce que de l'eau salée (15) p. 104. Ils ne deviennent "salés" que par un développement du mythe dans l'histoire. En fait, les mythes d'origine rapprochent les éléments chthoniens et aquatiques et ce mélange des attributions donnera la mer et fournira une explication physique de sa salinité : Poséidon marié à Déméter, la future mer prendra les sels minéraux de la terre qui lui donneront la salinité en une alliance irreversible.

    Le mythe Palawan sur l'origine de la salinité de l'eau : Le sel entre l'eau et le feu

    Chez les Palawan - fait remarquable - le mythe révèle la raison de la salinité de l'eau de mer :

    "Car Ampug est tout puissant. Voilà pourquoi se succèdent encore les clairs de lune, après l'immersion de l'astre par le Créateur et selon son commandement. Et la mer est salée, à cause de la chaleur du soleil qu'Ampug y plongea. Jadis elle n'était guère salée, elle était douce comme l'eau de rivière....." (6) p. 198.  

     

     

     



    Le contact de deux substances en apparence différente, chaleur et eau, donne l'eau salée : Soleil + Eau * Sel (eau salée) + Lumière (c'est-à-dire le passage du soleil à la lune). Le salage de l'eau n'est que le signe d'une séparation d'éléments autrefois unis (soleil + sel). Il existe une raison aux propositions apparemment illogiques du mythe qui sont les lignes apparentes d'un système symbolique; le mythe n'en est qu'une image codifiée. Tout d'abord, nous remarquons que le sel est un agent de métamorphose, physique et mythique. Il est au centre du processus de transformation, puisqu'en prenant la chaleur à l'astre il transforme la composition de l'eau et fait se métamorphoser les substances composant les éléments du mythe. Ensuite le sel agit comme agent conservateur des substances. Les substances ne sont pas fixées une fois pour toutes et leurs propriétés peuvent s'inverser, se mélanger, s'emprunter des qualités, toutes métamorphoses qui jalonnent le chemin de l'organisation du cosmos : l'eau et le soleil donnent la mer et la lune. En tant que substance mobile subdivisant les catégories primordiales et en tant que matière cosmique autorisant l'évolution et régulant les équivalences symboliques, le sel permet cette démultiplication des éléments mythiques.

    Ce rapport de la chaleur et du sel dans le mythe palawan n'est pas unique; nous le retrouvons chez Pline (cité par (9) p. 287) :

    "le sel a une nature en elle-même (per se) ignée", comme le soleil évidemment. Voilà qui explique qu'on l'obtienne par dessication, évaporation à la chaleur naturelle ou artificielle et que "plus un sec est sec, plus il est salé". Le sel échauffe, chauffe, brûle. Mais en même temps nous dit Pline, "le sel est l'ennemi du feu qu'il fuit". 

    Chez Pline, le sel fuit le feu comme, dans le mythe palawan, le sel se détache du soleil. Mais, en Asie du Sud-Est, à l'encontre de chez Pline, il n'est pas l'ennemi de l'humide puisqu'il a trois états, sec, humide, solide. Il est un trait d'union entre les substances, le gardien de l'unité et de l'ambivalence des corps mythiques. La chaleur est donc liée au sel. D'ailleurs, bouillir de l'eau donne du sel :

    "Autrefois il n'y avait pas d'eau, sauf dans la mer (...). En effet il y avait deux soleils. Il en immergea un dans la mer. La mer se mit à bouillir pendant sept ans. C'est ainsi que la mer devint salée". (17) p. 27.

    Ceci rappelle, d'une part, le mode d'obtention du sel par cuisson de l'eau de mer et, d'autre part, le fait que la chaleur révèle le sel, peut-être présent à l'état latent avant l'immersion de l'astre. Le sel étant une substance "instable" - vivant dans la transition d'un état à un autre - il est l'élément variable des substances mythiques.

     

     

     

     

    Le mythe babylonien : Eau douce et eau de mer

    Les Babyloniens parlent dans leurs mythes de l'apparition du Tigre et de l'Euphrate comme donneurs de vie permettant l'agriculture; l'eau douce est la vie mais cette eau douce vient du sperme (donc salé bien que déclaré non salé) du dieu. Quand il arrive que l'eau douce et l'eau salée soient à l'origine différenciées, le mythe babylonien les décrits unis:

    "A l'origine existaient seuls Apsou, l'eau douce, et Tianat, l'eau salée, qui "mêlaient en un seul tout leurs eaux". De ces deux entités naquirent les dieux qu'Apsou voulut détruire parce qu'ils troublaient leur repos". Cité par (4) p. 101.

    Le mythe d'Apsou et Tianat ne se pose pas le problème de l'antériorité de l'eau salée sur l'eau douce. Les deux eaux existaient depuis les commencements et formaient un élément primordial à partir duquel la vie pouvait s'éveiller. Leur conflit et leur séparation sont latents car l'eau primordiale porte en son sein les germes d'une différenciation; en elle, se retrouvent toutes les substances que le sel va contribuer à individualiser. 

    La salinité des eaux, c'est-à-dire le mélange avec d'autres substances (astres, eau douce, terre), permet les premières différenciations : l'homme et la nature, la vie et la mort, l'homme et la femme... A. Testard (4) parle à ce propos de dualités mais j'y vois plutôt une unité fondamentale que le mouvement du mythe va séparer en éléments consubstantiels et dont le sel demeurera le trait d'union. 

    Par exemple, l'eau douce semble associée à la masculinité et la féminité à l'eau salée (liquide amniotique; chez les Sumériens, le sel est associé aux femmes pendant la grossesse; la Dame de l'Eau Salée des Malais; la description d'une beauté salée...). Mais, on peut tout aussi bien dire que le sel est masculin (sécrétions corporelles: sperme; l'eau salée mettant enceinte la survivante moken...). L'homme donne le salé, la femme est le salé. Il s'agit donc là d'une complémentarité sexuelle, mais il pourrait aussi s'agir d'une conception hermaphrodite du sel qui, de par son rôle de classificateur, peut être aussi bien masculin que féminin. 

    Malgré l'unité fondamentale, le conflit entre eau salée et eau douce existe, mais il est postérieur à la création de ces deux catégories : 

    "L'opposition entre eau douce et eau de mer est bien banale au pays de Sumer située à proximité de l'embouchure du Tigre et de l'Euphrate; elle est soulignée par un mythe relatant la lutte cosmique entre les eaux du fleuve et celles de la mer primordiale...; elle se retrouve à Babylone dans l'opposition première entre Apsou et Tiamat. L'eau douce s'oppose à l'eau salée comme elle s'oppose au sang, ce dont on dédut l'équivalence entre eau salée et sang". (4) p. 116.

     

     

     

    L'océan primordial des autres mythologies

    Dans le mythe babylonien, l'eau primordiale se scinde en deux moitiés afin d'exprimer la première différenciation sous forme binaire: ciel/terre, vie/mort, homme/femme, ... qui générera le mouvement menant du chaos à l'homme social. Dans les autres grandes mythologies, l'océan primordial est le premier élément de l'univers, un Grand-Tout indifférencié. Par exemple, on ne sait pas exactement ce que sont les eaux d'origines chez les Lao. Dans le texte suivant, "l'eau" et les "flots (marins?)" sont-ils salés ou non ? 

    "Comme à cette époque, la terre n'existait pas encore, l'eau s'étendant à perte de vue, le P'ia leur dit : "Partout où vous piétinerez la terre apparaîtra" et les chargea de créer le monde. Après qu'ils eurent piétiné les flots, la terre apparut". (12) pp. 9-10

    Dans la Bible, il n'est pas spécifié si les eaux qui montent lors du déluge ou de l'inondation primordiale sont douces ou salées. Le monde antérieur à l'inondation créatrice du monde physique, dont est issue l'humanité, est rarement décrit et on ne connaît que sa disparition. Dans ce monde, les eaux salées et non salées sont une, la différence n'apparaissant pas comme pertinente. Remarquons à ce propos que les mots définissant l'océan sont souvent dérivés de mots déterminant un lac (le tasek malais par exemple), un étang, une grande étendue d'eau (18) (19)

    L'image de l'océan primordial, ou sa trace, sont retrouvés chez les Egyptiens, les Sumériens, les Aborigènes en Australie, au Japon, en Occident (le souffle de Dieu à la surface des eaux). En Inde, au début, l'eau est salée et le sel peut se dissocier de la mer pour créer l'eau douce : 

    "A l'origine il n'y avait que Nammou, la mer primitive, l'océan cosmique. Elle engendra An et Ki, le ciel et la terre (...). Enki, enfin, parce qu'il est le dieu des eaux douces qui, en tant qu'elles s'opposent aux eaux salées de Nammou la mer primordiale, doivent être situées du côté du ciel, comme eaux de pluies". (4) pp. 109-111.

     



    L'ambivalence des mythes sur la salinité de la mer

    Bien que le sel soit une substance qui conditionne, par sa présence ou son absence, la vitalité de l'eau, que la mer salée soit productrice et donne la vie et que l'eau douce soit "fade" et sans vie, l'eau douce permet néanmoins l'agriculture et donc la vie. Il s'agit d'un phénomène d'inversion, le mythe donnant aux symboles négatifs du réel les aspects bénéfiques oubliés par choix. Par ailleurs, si le déluge est fait de pluie (eau douce), il donne cependant naissance à l'océan (eau salée) destructeur. L'eau salée est donc ce qui détruit en même temps que ce qui donne vie. N'est-ce pas là l'image de l'ambivalence qui ordonne au mythe son rôle de destruction d'un état de l'univers donné pour permettre un nouvel état ? Or, pour que renaissance il y ait, il faut des éléments hermaphrodites, ambivalents et résolvant en eux les contradictions d'un ordre social s'érigeant contre un ordre céleste, le premier état régulièrement détruit. 

    En somme, le narrateur de mythes portant sur le sel peut "choisir" l'issue d'un mythe en jouant sur "l'ambivalence des catégories concrètes qui recèlent le germe d'oppositions et de contrastes très différents les uns des autres" (17) p. 82. 

    Le crabe gigantesque : le maître des flux marins

    La production magique de sel dans l'histoire de la meule en Thaïlande implique un mouvement des eaux car il faut bien que le sel se dilue, donc qu'il y ait un apport d'eau douce perpétuel pour contrebalancer une production ininterrompue de sel; c'est ici que le mythe - très répandu en Asie du Sud-Est insulaire - du crabe gigantesque responsable des marées intervient : n'est-ce pas lui qui laisse les eaux douces entrer dans l'océan, qui conditionne la montée des eaux jusqu'au ciel qui laisse pressentir le rôle de la mer dans la séparation du ciel et de la terre.

    "Autrefois l'eau disparut. Les hommes se rendaient dans le lit de la mer et prenaient des poissons qui gisaient là desséchés. .... Ils aperçurent un jour une énorme pince de crabe. Ils la perçèrent et il en sortit toute l'eau de mer. La moitié des hommes périt dans l'inondation. La pince devint un crabe gigantesque qui alla se loger dans un trou grand comme une région, au fond de la mer.
    Quand le crabe sort de son trou, c'est la marée basse, quand il rentre dans son trou, c'est la marée haute". Mythe Palawan (17) p. 111.

    Le crabe subit donc la marée dont il dépend, comme les populations littorales et les collecteurs sur estran. Dans la réalité ce n'est pas lui qui fait la marée mais bien la marée qui lui impose un rythme :

    "Le crabe responsable des marées est une énorme créature vivant au pied du manguier magique ..... Quand la mer descend le crabe sort pour se nourrir de gros poissons. Quand la mer est étale il est dehors pour chercher des nourritures. Et quand il se déplace il créé les vagues. Le vent aussi est une conséquence de son déplacement. La saison des pluies est due à ses déplacements, quand il se retourne par exemple. Il mange peu à la saison sèche et la mer est calme mais il doit beaucoup manger à la saison des pluies et la mer est agitée. Il s'agit d'un crabe de l'espèce papi (non identifié) et les crabes que nous voyons aujourd'hui sont ses enfants. 
    A la saison sèche il change de carapace et il est donc moins gros. Ses déplacements provoquent moins de chaos. .... Il reprend sa carapace à la saison de pluies. Mais on dit aussi qu'il change de carapace à chaque marée. Ce lieu s'appelle potchak angin, potchak lamat : nombril du vent, nombril des vagues. Les courants, les tourbillons sont les conséquences des mouvements du crabe". Histoire du crabe responsable des marées, racontée par Salamah, nomade Moken.

     

     



    Le nombril du monde où se mélangent eau douce et eau salée

    Le crabe est situé à un passage clef, parfois appelé le Nombril du Monde (chez les Malais, Palawan, Moken, etc.), qui figure à la jonction des éléments constitutifs de l'univers - eau douce et eau salée - et qui assure la communication entre l'intérieur et l'extérieur, entre monde souterrain et monde externe, entre fleuves et océan. Dans ce lieu magique se trouve un arbre couvrant un Eden. On y trouve tous les fruits, des trésors, des femmes divinement belles, toutes sortes de poissons .... mais les bateaux ne peuvent y aller sans danger, car le nombril du monde est associé à un tourbillon (voir ci-dessus). 

    Ce pilier et centre du monde traverse trois sphères : céleste, terrestre et marine, les trois éléments soumis à la pression des disjonctions primordiales. Le nombril - plus fortement implanté dans tout le monde insulindien que dans l'Asie continentale - c'est bien évidemment le lieu de l'alchimie mythique où les eaux douces de la terre se retrouvent dans un autre élément, l'océan. 

    En Asie du Sud-Est, le sel participe de la matière organique originelle et, puisqu'il existe depuis toujours, n'a pas à être décrit et expliqué. Par contre, le lieu de la transformation des matières, notamment entre eau salée et non salée, doit être étudié. 

    "Pour réaliser Adè [Adam] que faut-il Seigneur ?
    Le Seigneur parla :
    Tu dois aller chercher de la terre.
    Où se trouve cette terre ?
    La terre se trouve dans le monde, là où les eaux se mélangent.
    Partout où se trouvent ces eaux qui se mélangent il existe de la puissance.
    Où donc Seigneur ?
    Au fond de la mer Muharathat, au fond de la mer Targa".
    Mythe d'origine de la danse Moyong à Narathiwat (Thaïlande du sud)

    Pour les Moken, les eaux de la mer semblent être salées et parfois non salées. 

    "C'est la mer qui donne le sel. Les champs de pierre sont des trous d'eau, et s'il n'y a pas de mer il n'y a pas de sel car l'eau douce vient de la terre, des montagnes ; l'eau douce vient de la pluie. D'ailleurs, l'eau douce se trouve au-dessus de l'eau de mer. L'eau douce ne se mélange pas à l'eau de mer". Explications données par Salamah le Moken. 

     

     

     

    La Dame de l'Eau Salée

    Le sel est lié à un endroit particulier où se mélangent les eaux; il est lié la vie et à la maternité. En effet, ce qui est salé est fort et donne la vie. C'est une des raisons pour laquelle les Malais du sud de la Thaïlande reconnaissent une femme comme alchimiste tranformant le non salé en salé.

    "Quand l'eau d'amont descend à la rencontre de l'eau de l'océan, elle devient de l'eau salée ... dans la mer il existe un grand trou et dans ce trou il y a quelque chose (...) et quand l'eau d'amont vient au contact de cette chose, elle se sale (...) cette chose qui sale l'eau c'est la Dame de l'Eau Salée (...). ... Il [ce trou] atteint le septième étage des entrailles de la Terre ... Les hommes appellent ce trou le Nombril tasé'. Ce Nombril tasé' est le pao' jingi [le manguier sacré]. Il se situe en plein milieu de l'océan (...). .... à quoi ressemble-t'elle [la Dame], personne ne peut le dire. La plupart des gens disent qu'elle ressemble à un crabe. Ce crabe c'est la Dame Salée...... Quand ce crabe monte dans son trou, l'eau est repoussée vers l'amont et elle inonde ainsi le village". (20)p. 345.

    Cette Dame de l'Eau Salée, nous la rencontrons également dans les salins malais quand la consistance paraît satisfaisante aux hommes. On dit alors que la Dame est là, c'est-à-dire que l'eau est suffisamment salée pour permettre la récolte. Et que l'on n'imagine pas qu'il s'agit là de techniques approximatives réservées aux populations "exotiques", car la technologie occidentale avance toujours dans l'à-peu-près avant d'avoir recours à la "rationalisation" de la production laquelle interrompt le lien privilégié - mais pas toujours bien coordonné - existant entre l'homme et la nature. Les sauniers des sociétés non-occidentales savent juger leur production à partir d'une expérience intime de leur terrain d'exercice. Les indicateurs de cette somme empirique peuvent aussi bien être scientifiques (les vents, la consistance, la couleur) que "subjectifs" ("le sel appelle le sel"). On doit réfléchir à ces pratiques comme à des notions pertinentes et efficientes dont il faut essayer de définir le contenu symbolique :

    "Par exemple, à la croisée des chemins on érige une croix ; pour conjurer le malheur que représente la salière renversée sur la table on jette du sel par-dessus son épaule ; pour la tache de vin sur la table on verse du sel et quelque fois inversement, du vin sur la table sur laquelle le sel a été renversé ; pour conjurer un maléfice jeté par nouage ou dénoue, etc. La forme de la conjonction qui rachète reproduit celle de la conjonction à racheter : à une croix répond une croix, à un écoulement répond un écoulement". (4) p. 396.

     

     

     

    L'identité sel et sang

    Sel et sang sont liés, nous l'avons remarqué, dans le monde sémito-chrétien. Nous avons déjà évoqué "l'alliance du sel" des pays arabes où l'on peut considérer le sel comme un substitut du sang. Nous notons également ce lien chez les Malais du sud de la Thaïlande, avec le kriss (poignard à lame courbe traditionnel), qui, perdant sa salinité, cherche le sang de l'homme (20). 

    Pour les Moken, le sel aide à combattre une "remontée du sang". Il est généralement conseillé aux nouvelles accouchées bien que Pierre Lemonnier déclare que les interdits de sel concernent les femmes enceintes et les enfants en bas-âge (21) p. 659. Les Malais donnent du sel à leurs jeunes accouchées et le sel est présent dans les cérémonies d'ouverture de la bouche des nouveaux-nés (22) p. 337; le sel apparaît également dans les offrandes faites au septième mois de la grossesse (22) p. 334. Les Malais de Patani conservent, le plus souvent enterré, le placenta avec du sel et du poivre (13) p. 65. En fait, le lien entre le sel et le sang est très fort et ce n'est pas la consommation ou la non-consommation pour les femmes enceintes qui est pertinent mais bien plus la relation systématique entre les deux substances.

    Les fabrications de saumures solides obéissent à des divisions sexuelles strictes. Au Cambodge (1), ce sont les hommes qui réduisent en bouillie les crevettes pour en tirer la pâte du prahok, alors qu'en Thaïlande, pour la préparation du kapi, jamais un homme ne les piétinera, en tout cas dans le sud péninsulaire. Cette division du travail, différente selon le pays, est le signe que le sel et ses dérivés recèlent des forces occultes qu'il convient de respecter. N'y aurait-il pas au Cambodge la trace d'un interdit pour les femmes de travailler la pâte de crevette ? Ne peut-on y voir une relation entre la substance salée et le cycle menstruel féminin qui fait souvent rater ou tourner les nourritures - comme la mayonnaise, (selon une croyance populaire en France) - et qui impose une mixtion préalable ?
    Cette dichotomie sexuelle n'est-elle pas reliée à l'ambiguïté du sel dès l'origine ? 

    De plus, entre sang et sel il y a identité de nature (goût et composantes physiques) et aussi de fonction symbolique (le sang est assimilé à l'eau, élément fluide du corps qui donne la vie, comme l'eau salée donne la vie ; le sang sans sel n'est qu'eau). Voici une description des relations mises en jeu par sang et sel, matières équivalentes dans leur efficacité et leur utilisation (4) pp. 42-45 :

    "... il faut concevoir entre sel et sang un rapport d'identité.... Que le sang soit salé, ainsi que les propriétés physiques de chacune des substances, cela nous importe assez peu. Beaucoup plus significatif à nos yeux est le fait que les deux substances soient l'objet de coutumes et de croyances similaires. Cela tend à montrer que la pensée symbolique y attache une même valeur (...).
    ... le sel remplace le sang dans différentes institutions : chez les Arabes, dans le "pacte du sang", dans de nombreuses cultures où la femme indisposée doit s'abstenir de sel, ou encore, lorsque les travailleurs du sel ont un statut qui rappelle celui des personnages sanglants et se voient imposer des restrictions analogues. Bien d'autres coutumes sont significatives... non seulement les prescriptions, mais aussi les croyances similaires au pouvoir néfaste attribué aux deux substances, ou la croyance contraire en leur efficacité médicinales, leur usage préventif pour conjurer le sort, le discours du mythe à leur propos... "

    La similarité est tout aussi remarquable que l'opposition. Dans le domaine des thérapies traditionnelles, le sel est lié au sang mais il peut s'opposer à celui-ci (7). C'est aux rapports entre les substances à travers les cultures et les différents domaines de la vie sociale qu'il faut s'attacher pour retrouver les traces qui nous guiderons à travers l'écheveau complexe des croyances humaines. 

    Le sel dans le rapport intérieur/extérieur

    Le sel est un élément médiateur. C'est là sa fonction principale qui permet la confrontation sur un même plan d'éléments étrangers. Il est lié au corps humain non pas en tant qu'élément constitutif de la personne mais plutôt comme ingrédient extériorisé et extériorisable (sous forme de sang, de salive, de sperme...), permettant de relier l'homme aux autres constituants de l'univers décloisonné ; ce qui nous renvoie encore une fois à l'unité de l'univers pour lequel le sel est un catalyseur. 

    "Des flux dont nous avons parlé, qu'il s'agisse de celui du sang, de la mort, ou de l'eau qui sort des outres célestes, ce n'est pas leur état physique qui est pertinent mais le fait qu'ils sortent d'un corps, d'un lieu ou d'un être qui les contenaient et les retenaient : ils font passer d'une intériorité à une extériorité, ils mettent en rapport deux zones séparées par une frontière, ils transgressent une limite." (4), p. 77.

    Le discours symbolique correspond aussi à une évidence biologique :

    "Lorsque l'organisme transpire, saigne, vomit ou urine, le volume du fluide corporel baisse...... le fluide perdu est isotonique, donc salé, et ce fluide salé ne peut être remplacé par de l'eau pure (...). Lorsqu'un organisme est privé de boisson pendant un certain temps, lorsqu'il perd de l'eau non salée ... ou au contraire lorsqu'il ingère beaucoup de sel, ..... il se développe une soif dite osmométrique résultant de la fuite du liquide intra-cellulaire vers un milieu extra-cellulaire devenu trop concentré (...). Dans chacun de ces cas, on voit combien il est important pour l'organisme de restaurer l'équilibre entre eau et sodium. Le fonctionnement de toutes les cellules en dépend...." (23) p. 43.

    Nous retrouvons aussi - dans le contexte de ce rapport intérieur/extérieur - le héros palawan, Tambug, dont les chairs décomposées ou l'urine provoquent la salinité de l'eau. On peut aussi mentionner le sperme du dieu babylonien et même la saumure d'Indra qui, en se dépossédant d'un de ses biens au profit des humains, rééquilibre les différences sociales existant parmi eux (24)

     

     

    Le dieu et la rétention des substances

    Ce passage de l'intérieur à l'extérieur est celui du mythe ou du dieu "rétenteur" à l'humanité et qui s'approprie ce qui existait avant lui. C'est le dieu lui-même qui donne la vie en sacrifiant une part de lui-même. Selon le mythe malais du sud de la Thaïlande que nous avons déjà évoqué, la sueur du Seigneur relève le gout du riz; les larmes d'Adam sont à l'origine de l'océan.

    "Tuhè (le Seigneur) jette Adè [prononciation locale d'Adam] hors du paradis parce que celui-ci a fauté, mangeant le fruit défendu. Adè tombe sur terre et, se relevant, demande aussitôt à Tuhè la permission de remonter. Mais Tuhè ne la lui accorde pas et Adè pleure toutes les larmes de son corps pendant 40 jours et 40 nuits, jusqu'à constituer l'océan." (20) p. 347.

    La mer est urine chez les Palawan, mais elle est sang dans la mythologie germano-nordique :

    "De la chair d'Ymir
    La terre fut façonnée
    Et des ses os, les montagnes,
    Le ciel, du crâne
    Du géant froid comme givre
    Et de son sang, la mer."
    Vafthrudhrismal, strophe 21, Eda poétique, cité par (25) p. 132.

    Citons encore quelques exemples plus proches de nous. A Saint Malo on explique la salinité de la mer par le fait que Dieu créa la mer avec une écuelle et trois grains de sel. A Saint-Brieuc on dit qu'il existe des volcans sous les flots continuellement en éruption qui crachent des flammes et du sel. On voit là que le sel est associé au feu comme nous l'avions déjà noté chez Pline et chez les Palawan. Mais, plus que le feu, c'est à la terre qu'il faut attribuer la salinité ici, les volcans étant le mouvement de ses entrailles.

    On doit même établir une comparaison, entre les mythes européens et sud-est asiatiques, notamment concernant l'existence d'un dieu rétenteur des substances. Remarquons tout d'abord que ces dieux sont le plus souvent masculins. Le sang, les larmes, la sueur, le sperme, la chair décomposée et l'urine sont les éléments divins de la salinité :

    "Pour expliquer l'origine de la mer, les marins de la baie de Saint-Brieuc racontent l'histoire suivante. Jadis le soleil, personnifié sous les traits d'un géant, vint sur la terre. Les gens menacés de mourir étouffés, firent appel à Dieu qui envoya sur terre tous les saints du paradis. Ils ordonnèrent au soleil de partir, mais celui-ci ne voulut pas obtempérer. Alors ils se mirent tous à pisser et, en huit jours, la terre fut recouverte d'eau. De peur d'être submergé, le soleil retourna au ciel et dut y rester. De la même manière, la plupart de nos fleuves et de nos lacs tirent leur origine de liquides sécrétés par des personnages fabuleux. Les "compisseries" de Gargantua, la sueur du géant Dessoubre, l'urine de Mélusine en sont responsables. En Haute-Bretagne, les larmes versées par la soeur de Gargantua pendant son veuvage donnèrent naissance à la Rance. En Ile-et-Vilaine on raconte qu'une jeune fille avait compris que son confesseur lui interdisait d'uriner pendant quinze jours ; au terme de cette période, elle se soulagea pendant trois heures, provoquant la formation de l'étang qui se trouve au pied du chateau de Combourg. Pour ce qui est des fontaines, la même référence organique est souvent explicite. Sainte Julie refusant d'abjurer la foi, un soldat lui coupa une mamelle et la jeta sur un rocher. Il en naquit une fontaine près de Nonza, en corse. D'autres fois, c'est au sang des saints suppliciés qu'il sera fait allusion". (26) p. 310.

    On voit donc que comme pour l'Asie le sang, les larmes, l'urine, la sueur sont à l'origine des eaux mais, curieusement, il ne semble pas y avoir de lien entre ces sécrétions, hormis l'urine, et la salinité en occident.

    Ce qui importe est de comprendre qu'après l'organisation du cosmos, qui fut la première étape importante révélant la substance "sel" et dévoilant en partie son rôle, nous franchissons maintenant à la deuxième étape, celle de la transition des dieux aux hommes, passage où le sel apparaît encore comme un élément essentiel. 

     

     

    Alchimie mythique

    Si l'alchimie peut être définie comme une science expérimentale ayant pour but de retrouver les liens entre les éléments de l'univers et de permettre ainsi de renouer avec une unité divine, nous pouvons dire que le monde mythique, pour lequel le sel joue le rôle de catalyseur ou de séparateur, autorise les hommes à chercher dans le rite le sens de l'unité primordiale du mythe. D'ailleurs le sel même dans l'alchimie classique est un élément essentiel. Il y a quatre éléments (feu, air, eau, terre), trois principes (soufre, mercure, sel), sept métaux (cuivre, fer, étain, plomb, vif-argent, argent, or) correspondant aux sept planètes (Vénus, Mars, Jupiter, Saturne, Mercure, Lune, Soleil). Et nous retrouvons dans les qualités attachées au sel de l'alchimie ce que nous avions révélé dans notre analyse :

    "Il y a trois principes : le soufre (masculin, actif, chaud, fixe), le mercure (féminin, passif, froid, volatil) et le sel, appelé aussi arsenic ou mercure androgyne (hermaphrodite, ou les deux autres principes se réunissent en produisant le fixe et le mutable)". (27) p. 237.

    Le bouleversement provoqué, par exemple, par l'immersion du soleil est dépendant de la chaîne de réactions provoquées par les contacts entre substances. Celles-ci se transforment, évoluent, vivent en entrant en contact les unes avec les autres dans le mythe et vont se séparer totalement après l'ordonnancement du monde. La magie que l'on appelait "sympathique" retrouve cette équivalence entre substances issues d'une matière originelle grâce aux techniques sacrées des officiants et des sorciers qui savent retrouver le temps du mythe en recréant les conditions de non-stabilité des substances. Ce problème de magie, que l'on peut expliquer par l'unité des propriétés des substances, qui se subdivisent au cours de l'histoire du monde en une sorte de parthénogenèse primordiale, dépasse les cas particuliers, c'est-à-dire les substances fixées dans des matières et séparées les unes des autres à la suite d'une appropriation scientifique du monde. En effet, les différentes formes d'équivalence ou d'opposition entre substances sont infinies et correspondent aux choix de chaque société en fonction de son évolution, de son environnement, de son imagination, de son développement, aussi en fonction de tout ce qui fait l'homme au sortir du mythe. Ainsi la magie sympathique est-elle différente pour chaque peuple, les uns favorisant certaines équations substantielles et les autres des équations différentes.

     

     



    Le sel est la substance nécessaire au big bang cosmique qui répartira les éléments et montrera la voie vers l'homme et la société. Cependant, on ne sait jamais d'où vient le sel, même si parfois des agents de transformations apparaisent pour l'eau salée notamment. Mais concernant le sel lui-même, les mythes ne sont pas très explicites. Et si l'on admet que les substances sont à l'origine issues d'une matière commune, les transformations de la substance sel, hermaphrodismes, valeurs associées indifféremment guerrières ou pacifiques et rôles civilisateurs ne posent plus de problème. La création du monde ne se fait pas d'un seul coup et les substances ne sont pas encore complètement fixées dans leur matière lors du chaos, c'est d'ailleurs même ce qui les caractérise. Les substances se mélangent, inversent leur valeur en fonction des éléments qu'elles croisent, se volent certaines propriétés avec l'agent de transformation sel. Les résultats des mélanges, emprunts, contacts entre substances sont autant de probabilités que l'on pourrait réduire à une formule mathématique. Il s'agit d'une alchimie du mythe qui joue avec les substances à sa disposition. Le développement du mythe fixe dans les éléments les propriétés particulières des substances, le sel gardant le statut de transfuge.

    Notes

    (a) cf. L'adieu au roi de Pierre Schoendoerfer.

    (b) Les populations d'Asie du Sud-Est sont réparties selon des critères essentiellement linguistiques. 
    Parmi les minorités appartenant au groupe austronésien : les Moken, nomades marins de l'archipel des Mergui (Birmanie et Thaïlande), les Bajau, nomades marins partagés entre les Philippines et l'Indonésie, les Palawan, essarteurs, habitants de l'île de Palawan aux Philippines, les Dayak, essarteurs habitants l'île de Bornéo, les Punan, nomades forestiers de Bornéo. Pour les minorités appartenant au groupe linguistique mon-khmer : les Semang, nomades forestiers de la Péninsule malaise, les Cau Maa', essarteurs du Vietnam central. 
    Parmi les peuples majoritaires, les Thaïs sont les peuples rattachés linguistiquement au groupe Tai-Kadai, les Thaïlandais sont les habitants de la Thaïlande, les Malais sont le groupe de populations rattaché linguistiquement au groupe austronésien mais désignent plus particulièrement les habitants d'origine austronésienne de la Péninsule malaise, les Khmers sont rattachés au groupe linguistique mon-khmer et désignent les habitants du Cambodge. Enfin nous noterons que les Lao sont les habitants du Laos. Quand ces derniers habitent en Thaïlande, on les appellent plutôt Issannes (soit "Nord-Est"). Nous avons également mentionné les Papous, habitants de la Nouvelle Guinée.

    (c) On retrouve cette idée dans certains univers mythiques :
    "Ici encore, l'immersion des soleils explique l'apparition du sel, qui permettra aux hommes de n'avoir plus de säbaläk, c'est-à-dire ce besoin spécifique d'un aliment savoureux, par opposition à la faim, urap, proprement dite. C'est donc une des grandes catégories dans le système du repas palawan, la catégorie isdaqan ("assortiment"), qui se trouve principalement désignée par le texte, avec celle de burnän ("condiment"), le sel dans le repas palawan pouvant occuper les deux places en fonction des types d'aliments en présence." (17) p. 31.

    (d) La saumure bien qu'existant sous forme de garum chez les Latins est plus spécifique aux populations rizicoles des plaines de l'Asie du Sud-Est et, parmi celles-ci, que l'on se trouve en haut ou en bas de l'échelle sociale, elle est présente et partagée lors de tous les repas. 

    (e) "Tu n'omettras jamais le sel de l'alliance de ton Dieu sur ton offrande. Avec chacun de tes présents, tu présenteras du sel." Lévithique, II, 13, cité par (10) p. 28.

    (f) Chthonien (lat chtonius, gr khthon "terre") : qualificatif d
    e plusieurs divinités infernales.
     

     

     


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    L’expérience AMS en route pour le Centre spatial Kennedy

    The AMS detector under preparation at CERN in July 2010
    Le détecteur AMS en préparation au CERN en juillet 2010 Plus de photos »

    Genève, le 18 août 2010. Le Spectromètre magnétique Alpha (AMS), une expérience qui étudiera l’antimatière et la matière noire dans l’espace, quitte le CERN1 mardi prochain. C’est une étape qui le rapproche de son voyage vers la Station spatiale internationale (ISS). Le détecteur AMS2 sera transporté du CERN à l’Aéroport International de Genève en attendant son départ de la Suisse prévu le 26 août prochain, à bord d’un Galaxy, un avion de transport de l’US Air Force, à destination du Centre spatial Kennedy en Floride.

    Une conférence de presse aura lieu pour marquer l’événement dans la salle de presse de l’Aéroport International de Genève à 9h, le mercredi 25 août, et les medias présents auront la possibilité de voir le détecteur AMS et l’avion. Les journalistes désirant participer à la visite doivent contacter le bureau de presse du CERN au plus tard lundi 23 août à 12h, en fournissant leur nationalité, leur date de naissance et leur numéro de passeport ou de carte d’identité. Un de ces deux documents devra également être présenté avant la visite. Veuillez noter que seuls les personnes s’étant enregistrées au préalable pourront visiter le détecteur AMS et l’avion. Les journalistes souhaitant voir l’arrivée du détecteur AMS au Centre spatial Kennedy, le 26 août, sont invités à s’enregistrer jusqu’à demain, le 19 août. Vous trouverez de plus amples informations sur le site de l’ESA : http://www.esa.int/esaCP/SEM0R65OJCG_index_0.html.

    AMS étudiera des questions fondamentales sur la matière, l'origine et la structure de l'Univers, directement depuis l'espace. La recherche de la matière noire et de l’antimatière seront ses principaux objectifs dans le cadre d’un programme complémentaire à celui du Grand collisionneur de hadrons (LHC).

    En février dernier, le détecteur AMS s’était rendu au centre européen de recherche et de technologies spatiales (ESTEC) de l’Agence spatiale européenne à Noordwijk (Pays-Bas) pour y subir des tests qui ont permis de déterminer son aptitude à être envoyé dans l’espace. A la suite de ces tests, le détecteur a été ramené au CERN pour les dernières modifications. La collaboration a décidé de réutiliser l’aimant permanent du prototype AMS-01, qui avait déjà effectué un vol dans l’espace en 1998, à la place de l’aimant supraconducteur prévu initialement. Cela s’explique par la durée de vie limitée de l’aimant supraconducteur qui n’aurait pu fonctionner que pendant trois ans du fait de l’impossibilité de réapprovisionner l’aimant en hélium liquide à bord de la station spatiale. Au contraire, l’aimant permanent permettra à l’expérience de fonctionner tout au long du vol de l’ISS.

    Depuis son retour au CERN, le détecteur AMS a donc été reconfiguré avec l’aimant permanent et testé à l’aide de faisceaux de particules du CERN. Ces tests ont permis de valider et d’étalonner la nouvelle configuration avant que le détecteur ne quitte le sol européen pour la dernière fois.

    « Ce départ du CERN réjouit toute la collaboration AMS, car il marque un tournant pour notre expérience. Nous nous rapprochons du lancement de la navette spatiale et du moment où notre détecteur sera finalement installé à bord de l’ISS, explique le professeur Sam Ting, prix Nobel et porte-parole de l’expérience. La phase de construction de notre détecteur est maintenant achevée et nous sommes impatients de débuter la phase de récolte des données. »

    « Le lancement du détecteur AMS arrive au bon moment » a ajouté Roberto Petronzio, Président de l’Institut National de Physique Nucléaire, en Italie. « Aujourd’hui, nous sommes tout à fait conscients de nos lacunes quant aux nombreux constituants de l’Univers, et nous devons encore relever le défi du puzzle de l’asymétrie matière - antimatière. Par ailleurs, des résultats récents de l’expérience Pamela suggèrent des scénarios qui pourraient mener à d’importantes découvertes pour AMS. L’expérience provient d’une grande collaboration internationale qui se joint à l’effort d’importantes agences européennes de financement avec les Etats-Unis et la Chine. »

    Une fois arrivé au Centre spatial Kennedy, AMS sera installé dans une chambre propre pour y subir encore quelques tests. Puis, après quelques semaines le détecteur sera transporté sur la navette spatiale. La NASA prévoit d’effectuer le dernier vol du programme de la Navette spatiale, qui emmènera le détecteur AMS dans l’espace, fin février 2011.

    Une fois arrimé à l’ISS, AMS mènera des recherches sur l’antimatière et la matière noire en mesurant les rayons cosmiques. Les données collectées par AMS dans l’espace seront transmises à Houston (États-Unis), puis au CERN, à Prévessin plus précisément, où se situe le centre de contrôle du détecteur, et vers un certain nombre de centres régionaux d’analyse de physique mis sur pied par les instituts partenaires.

    « Nous sommes fiers que ce détecteur, qui jouera un rôle si important dans la recherche, décolle de l'Aéroport International de Genève pour être livré au Kennedy Space Center en Floride », a indiqué pour sa part Robert Deillon, directeur général de l'Aéroport International de Genève.

     


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  •  Qu'y a-t-il derrière la porte, la porte du placard, la porte d'une chambre, la porte d'une demeure, la porte ouvrant peut-être sur... ??? Il y a du mystère, au moins du suspense, ou de l'attente, pendant la station devant la porte (que l'on soit d'un côté ou de l'autre), et la vie est faite de situations ou portes concrètes et portes symboliques qui doivent s'ouvrir. L'ouverture d'une porte inhabituelle est toujours accompagnée d'une gamme variée d'impressions et de sentiments.

     Familières dans les habitations, plus impressionnantes dans les lieux de culte ou les palais, les portes se sont doublées, au cours de l'histoire des hommes, des produits de leur imaginaire, et ont pris une grande importance. La porte indique un passage, l'interdit ou invite à la franchir, s'ouvrant alors sur un mystère. Nombreuses sont les portes ouvrant sur le sacré, les portes des temples, le portail des cathédrales. Pour ne reprendre que des croyances judéo-chrétiennes familières, les portes des Cieux, la porte du Paradis, la Porte de la Jérusalem Céleste, les portes de l'Enfer. Le tympan situé au-dessus du portail principal des cathédrales est une évocation symbolique de passage dans le monde du sacré 4 : à l'extérieur se trouve le monde des hommes et à l'intérieur, le monde de Dieu. Dans cette perspective, le Christ lui-même s'est défini comme une porte 5.

    Dans la pensée imaginaire, la symbolique de la porte est très forte. La porte est l'ambiguïté, liée à un passage. Comme le dit Gilbert Durand : "L'espace fantastique [est] «mythiquement réel», centré, orienté et ouvert par l'intermédiaire de portes et de seuils." 6 Ouvrir la porte est devoir faire face : "Ce qui est tapi derrière la porte ou l'escalier n'est jamais aussi terrifiant que la porte ou l'escalier." (Anatomie de l'horreur, 134). King sait que la porte, quand elle est l'aboutissement du voyage entrepris dans l'angoisse et la peur, se trouve être le lieu de passage entre deux mondes, le connu et l'inconnu, la lumière et les ténèbres, l'ouverture sur le surnaturel. L'ouverture de la porte est, métaphoriquement l'intrusion paroxystique de la Surnature, de l'impossible dans un monde habituel et ordonné. Et, comme le souligne Jean Fabre : "La pénétration du héros dans le monde du surnaturel sera toujours moins angoissante que la pénétration de la Surnature dans l'univers du personnage." 7

     

    LA SYMBOLIQUE DE LA PORTE.

     

    La richesse folklorique et magique des oeuvres littéraires fantastiques de ces derniers siècles n'est évidemment pas un pur produit de l'imagination de leurs auteurs. Les vols magiques, la téléportation, les passages ont une histoire qui remonte à des milliers d'années. Que ce soit la clé de Morgan se métamorphosant en paratonnerre, la potion que boit Jack pour passer dans Les Territoires ou celles utilisées dans Harry Potter, les créatures à deux têtes ou les animaux qui parlent, les hommes volants, ces motifs toujours modernes ont derrière eux une longue tradition archaïque. Il en est de même des portes.

     

     

     

    La porte dans les mythes.

     

    La porte, et ce qui lui est lié : le seuil, l'huis, l'entrée, sont des mots qui soulignent l'idée de passage, de transition. La porte a une valeur psychologique dynamique : non seulement elle indique le passage, facile ou difficile par les interdits qui pèsent sur son ouverture, mais elle invite à son franchissement. La porte est le symbole du lien ou de l'opposition entre le dedans et le dehors, l'intérieur et l'extérieur, et dans la littérature fantastique, la connexion possible entre le monde ordinaire et celui du mystère.

     Point de départ ou d'arrivée, lien entre les mondes et des états de l'être, elle est dans la mythologie grecque associée aux gardiens. Janus, le dieu des portes, des transitions et des passages, est le gardien des portes qu'il ouvre ou qu'il ferme, avec son double visage aux deux faces adossées, l'intérieur ou l'extérieur 8. Vigilant, il a pour attribut la baguette du portier et la clé. Il ouvre la porte des Dieux et celle des Enfers. Un autre gardien est bien connu, Cerbère, le chien monstrueux à trois têtes (ou davantage), qui interdit l'entrée des Enfers aux vivants, et sa sortie aux morts. Dans de nombreux pays, les temples sont placés symboliquement sous la garde de statues, figures protectrices et gardiens du temple. Les chiens-lions gardant les portes des temples japonais en sont un bon exemple : le chien de droite, considéré comme masculin, a la gueule ouverte; celui de gauche, féminin, tient sa bouche fermée.

    Ainsi protégée, la porte représente ésotériquement l'accès à un espace dérobé ou interdit, un espace que la porte dissimule, et auquel sont prêtées des dimensions secrètes ou mystérieuses. Dans les temples antiques, le Saint des Saints était protégé par des portes souvent somptueuses, que seul le grand prêtre pouvait franchir. Le tabernacle des églises catholiques renfermant les hosties est une survivance de cette croyance, avec sa porte richement ornée et fermée à clé, ouverte cérémonieusement lors de la cérémonie de la communion. L'ouverture de ces portes s'accompagne toujours d'un rituel gestuel et de la prononciation d'invocations ou de formules prescrites. Lors du jour de l'an,chez les Romains, la porte sacrée du "passage des années" de Janus était ouverte et prétexte à des fêtes à caractère religieux.

    Le passage de la Terre au ciel doit aussi s'interpréter à la lumière de la croyance ancienne généralisée, à une époque où l'on croyait la terre plate, de la voûte céleste dont le dôme est une représentation symbolique. Au sommet du dôme est la porte de l'axe du monde (ou porte du soleil) qui symbolise la possible sortie dans le cosmos, au-delà des limitations individuelles. Elle est aussi la porte étroite biblique qui donne accès au Royaume des cieux. La porte du dôme, du ciel prend ainsi la signification de de possibilité d'accès à une réalité supérieure, une transcendance, accessible ou interdite. Dans plusieurs traditions religieuses, la porte étroite, ou entrouverte, devient le signe du danger, d'une tentative risquée et dramatique. Un autre aspect est que la porte de l'axe du monde suppose un ordre de la création, un principe qui régente la stabilité et le fonctionnement du monde 9 qui serait menacé. Tous les plans et les régions du cosmos seraient en rapport les unes avec les autres, et seraient disposées autour de ce centre. Utilisé de manière intéressante dans le cas de King, mettant constamment en scène les forces du Bien et du Mal, l'axe du monde est souvent mis en relation avec la Lumière, et avec sa lutte sans fin contre les forces du chaos.

     

     L'attrait de la porte, ouverture sur l'ailleurs.

     

    Dans La poétique de l'espaceGaston Bachelard précise la symbolique de le porte : "La porte c'est tout un cosmos de l'Entr'ouvert. C'en est du moins une image princeps, l'origine même d'une rêverie où s'accumulent désirs et tentations, la tentation d'ouvrir l'être en son tréfonds, le désir de conquérir tous les êtres réticents. La porte schématise deux possibilités fortes, qui classent nettement deux types de rêveries. Parfois, la voici bien fermée, verrouillée, cadenassée. Parfois, la voici ouverte, c'est-à-dire grande ouverte" 10

     La réflexion de John Chambers, dit Jake, ne peut pas être aussi riche, d'autant moins qu'il ne peut plus penser clairement. Il est obsédé par le fait qu'il est allé dans un autre monde, où il est mort. Si le côté rationnel de son esprit ressent la stupidité de cette pensée, qui n'est étayée que par de vagues souvenirs ou les images de ses rêves, elle l'obsède, et le terrorise. Il fait une fixation sur les portes : "La porte revendiquait son entière attention. Au cours des dix dernières journées, à mesure que les voix s'étaient mises à hurler dans son crâne, Jake était devenu de plus en plus fasciné par les portes - par toutes sortes de portes. Durant la semaine écoulée, il avait dû ouvrir celle de sa chambre cinq cents fois, et celle de la salle de bains mille fois ou plus. Chaque fois qu'il ouvrait une porte, il sentait une vague d'espoir et d'anticipation monter dans sa poitrine, comme si la réponse à tous ses problèmes se trouvait derrière telle ou telle porte, comme s'il allait la découvrir... un jour ou l'autre. (...) Il ressentit de nouveau cet espoir irraisonné, persuadé que la porte ne donnait pas sur un placard (...) mais sur un autre monde où il retrouverait son intégralité." (Ter. Perd., 130, II. 2) Cette porte tant espérée par Jack n'est pas celle par laquelle il passera, celle que Roland découvre sur le bord de la mer, là où une porte ne "peut" pas normalement se trouver. De plus, cette porte n'est visible que sur une face, et disparaît si on la contourne : "Ses yeux retournèrent sur l'emplacement de la porte absente et s'écarquillèrent un peu. Si la porte avait disparu, son ombre demeurait." Il cherche avec la main : "Sa main continua de rencontrer de l'air longtemps après avoir dépassé le point où - même invisible - la porte aurait dû se dresser. Rien sur quoi frapper." Supputant qu'il a dû être victime d'une hallucination, il contourne la porte pour la retrouver de face : "Voilà que s'interposait l'épaisseur de la porte. Il découvrait de biais le coffre de la serrure, avec le pêne qui en saillait comme une petite langue de métal butée. Déplaçant la tête de quelques centimètres vers le nord, Roland vit la porte disparaître. Mais elle fut de nouveau là quand il reprit sa position initiale. Elle n'apparut pas. Elle était simplement là." (35)

    Même pour un héros aussi impavide que Roland, l'attrait du mystère est puissant. L'ouverture de la porte, c'est parfois la découverte des aspects de la Surnature, du monstre, sa "monstration" selon l'expression de Denis Mellier, l'altérité menaçante objectivée 11 : "La porte ouvre sur un mystère. Mais elle a une valeur dynamique, psychologique : car non seulement elle indique un passage, mais elle invite à le franchir. C'est l'invitation au voyage vers l'au-delà..." 12 Roland se demande d'abord s'il est possible de franchir la porte par le côté du néant : "La vérité, elle, était toute simple : cette porte solitaire sur une bande de plage apparemment infinie dictait seulement deux marches à suivre : l'ouvrir ou la laisser fermée." (36) Avec le premier contact qu'il a avec la porte, et les sensations qu'elle lui procure, il prend conscience, qu'elle renvoie au diabolique et à l'infernal : "Il tendit sa main gauche et la referma sur le bouton. Ni le froid mortel du métal ni la chaleur féroce et ponctuelle des signes qui y étaient gravés ne le surprirent." (36) Le froid qui accompagne le diable, et la chaleur du feu de l'enfer, si bien décrits dans Le Diable en sabots de Claude Seignolle 13. La porte ouvre aussi bien sur le monde féerique que sur le monde des ténèbres.

     

     

    Portails et portes.

     Le portail est une porte, de dimensions plus grandes, parfois monumentales. Le portail sert à marquer le caractère solennel ou sacré d'un lieu ou d'une construction. Ce portail s'ouvre à deux battants, ne s'ouvrant que dans les grandes occasions. Aussi, pour la commodité, le portail possède souvent une porte de dimensions ordinaires, qui sert aux entrées dépourvues de cérémonial.

    La Tour Sombre, qui se trouve au centre de l'univers, est entourée de 12 portails, comme l'explique Roland à ses nouveaux compagnons (Ter. Perd., I, 1, 12). Les lointaines légendes de son monde racontent que : "Lorsque tout était neuf, les Grands Anciens - ce n'étaient pas des dieux, mais des gens dont le savoir était quasi divin - créèrent douze Gardiens pour surveiller les douze portails qui permettent d'entrer et de sortir du monde." Ceux du monde de Roland qui ne croit pas au surnaturel prétendent au contraire que ces prétendus "portails" sont des phénomènes naturels, comme "les constellations que l'on voit dans le ciel." Ceux qui y croient suivent la tradition et prétendent que ces portails n'ont rien de naturel, qu'ils ont été créés par les Grands Anciens eux-mêmes, "avant qu'ils ne disparaissent de la surface de la terre." Certains, mieux informés, ajoutent que la création des douze portails a été "le dernier acte des Grands Anciens, une tentative pour racheter les torts qu'ils avaient les uns envers les autres et envers la Terre."

    Ces portails ne sont pas comparables aux portes comme celle de la plage, dans Les trois cartes. Si les portails ont des dimensions "cosmiques", liées à l'équilibre des mondes, les portes ont des capacités plus modestes. Elles ouvrent sur des espaces-temps humains et servent à établir des passages entre les mondes. Elles donnent une ouverture "sur un où et un quand", dans le langage de Roland, particulier à un individu ou à un groupe, dans un autre espace et une autre temporalité. Les portes, qui se trouvent localisées à des endroits précis, ressemblent au "pivot d'une planche à bascule. (...) D'un côté, il y a le mot ka. De l'autre, celui de l'homme en noir - Walter. Les portes se trouvent au centre, créées par la tension existant entre deux destinées contraires. Ces portails sont des choses bien plus grandes que Walter, que moi." Autrement dit, ces portes permettent des affrontements individuels, où la vie des participants est mise en jeu, en même temps que quelque chose qui est lié au destin du monde et qui les dépasse. Ces portails se trouvent "en dehors du ka, au-delà du ka", pense Roland, qui ne fait que répéter ce qu'on lui a décrit quand il était enfant.

    King cite les noms de quelques-uns de ces gardiens : la Tortue (apparue pour la première fois dans Ça); l'Ours (le premier gardien rencontré, vaincu par le Ka-tet de Roland); le Poisson (avatar du roi Pourpre? Il est volontiers poisson dans ses épiphanies); le Chien; le Cheval; le Lion, la Chauve -souris seront évoqués dans Terres Perdues. Peut-être faudrait-il ajouter le Taureau (Rose Madder, et Magie et Cristal); le Loup et l'Aigle (Magie et Cristal). Le Serpent, qui apparaît aux côtés de l'ours ne peut être qu'un comparse, un gardien subalterne, puisqu'il ne se tient pas à l'emplacement de son portail, alors que Roland a affirmé qu'un gardien surveille chaque entrée.

     

     

     

     

    Portails, rayons et tramée.

     

    Dans le même chapitre (Ter. Perd., I, 1, 12) , Roland dessine sur le sol avec un bâton la configuration symbolique des portails tels qu'on la lui a apprise : "Les croix représentent les portails dressés en cercle le long de sa bordure éternelle. Si on dessine six lignes pour relier les croix diamétralement opposées, (...)au centre de tout, se trouve le Grand Portail, également appelé le Treizième Seuil, celui qui ne règne pas seulement sur ce monde mais sur tous les autres. C'est là que se trouve la Tour sombre que j'ai cherchée durant toute ma vie." Dans Magie et Cristal, King fournit une indication importante, qui explique que la Tour n'est accessible que par le monde de Roland. Si la Tour existe bien dans tous les mondes, elle "n'est peut-être pas accessible depuis tous les mondes." (II, 5)

    Il est possible que King ait emprunté à H. P. Lovecraft (auquel la saga de la Tour Sombre doit beaucoup) des caractéristiques de l'Ancien Yog-Sothoth 14, qui possède treize globes comme les treize portails du temps et de l'espace chez King. Dans Lovecraft, Yog-Sothoth, maître de l'espace-temps, est "le Porche par lequel passeront ceux qui peuplent le vide lorsqu'ils reviendront. Yog-Sothoth connaît les dédales du temps, car le Temps est Un pour lui." Il est ainsi la clé et la porte vers d'autres dimensions :

     

    Parce que Yog-Sothoth est la Porte
    Il sait d'où sont venus les Anciens 

    Dans le passé et d'où ils viendront
    A nouveau lorsque le cycle recommencera."

     

     

     

    On a appris aussi, dans Magie et Cristal, qu'à chaque gardien correspond un cristal, chacun possédant sa couleur. Plusieurs d'entre eux auraient déjà été détruits. Or Yog-Sothoth, qui demeure dans les interstices séparant les différents "plans de l'existence" composant notre univers, a sa disposition un ensemble de 13 globes iridescents en mouvement, s'interpénétrant ou s'éloignant : "Sachez que les Globes de Yog-Sothoth sont au nombre de treize; ils représentent les pouvoirs de la Horde-Parasite de ses serviteurs qui exécutent ses ordres dans le monde(...) Ces globes ont plusieurs noms et apparaissent sous différentes formes." 15 Par ailleurs,il est aussi le dieu des magiciens et des sorciers, auxquels il demande que la voie de notre planète lui soit ouverte en échange de ses faveurs, pour l'utiliser à son gré.
    On ne peut plus, compte tenu des ressemblances, évoquer des coïncidences entre ces deux auteurs.

    Les rayons qui conduisent à la Tour sont visibles pour des yeux avertis : "
    Le rayon exerçait son effet tout le long de sa trajectoire, mais cet effet était subtil. Les aiguilles des pins et des épicéas indiquaient la même direction que l'aiguille de fer. Les buissons poussaient légèrement de travers, inclinés dans la direction du Rayon." Des arbres aussi penchent dans cette direction, comme si la force les y avait "poussés". Ainsi que les ombres portées sur le sol : "À présent qu'Eddie avait perçu le rayon, il lui était impossible de ne plus le voir; une vague allée traversant les broussailles, une ligne droite qui matérialisait la trajectoire du Rayon. Il prit soudain conscience de la puissance de cette force qui traversait l'air (et qui le traversait également, comme des rayons X) et dut lutter contre une violente envie de faire un pas de côté." Les nuages sont affectés quand ils croisent la trajectoire du Rayon et se déplacent plus vite; les oiseaux dévient leur vol, etc. Le souci de King est évidemment d'insister sur les forces cosmiques puissantes en jeu, qui vont des douze portails périphériques au portail central qui les commande, la Tour. (Ter. Perd., I, 1, 30. 116)

    Les tramées sont une autre sorte de portes, apparues récemment, des sortes de défaut de leur "enveloppe" préjudiciables à la bonne marche des mondes (King a-t-il pensé aux "trous" dans la couche d'ozone de la stratosphère de notre planète?). Quand le Ka-tet sent des trépidations dans le Monorail Blaine alors qu'il approche de Topeka, Roland explique qu'il ne doit pas s'agir d'un problème de rails, mais du passage par une porte dans une autre dimension. Roland appelle ce genre de portes des tramées : "Il existe plusieurs mondes possibles et une infinité de portes qui y mènent. Nous sommes dans l'un de ces mondes; la tramée qu'on entend est l'une de ces portes... seulement plus grande que celles qu'on a trouvées sur la plage." (Magie et C., 90) Roland et ses compagnons sont ainsi passés par une de ces portes sans s'en rendre compte.

    Les tramées ne sont pas naturelles, et Roland emploie plusieurs expressions imagées pour l'expliquer à ses compagnons : "Ce sont des écorchures sur la peau de l'existence, et qui ne doivent la leur qu'au fait que les choses vont de travers." Ou encore : "Un endroit où l'étoffe de l'existence est usée jusqu'à la trame." Ces endroits se multiplient puisque la force de la Tour Sombre est en déclin. (Magie et C., 79) Le phénomène touche tous les mondes, et Roland explique, dans son langage, que les choses allant de travers à la Tour Sombre, un endroit quelconque des mondes pourrait être touché comme la Terre : "Même si cet endroit - ce quand, ce où - n'est pas le ka de ton monde à présent, il pourrait le devenir. Ce fléau - ou d'autres encore pires - pourrait s'étendre. Tout comme les tramées continueront à s'étendre, en nombre et en taille croissants. J'en ai vu peut-être une demi-douzaine, au cours de mes années de quête." (Magie et C., 90)

     Les tramées, qui produisent un son assourdissant, sont dangereuses comme "les sables mouvants des marécages et les « saligs »" 16 dit Roland, et il faudra que la ka-tet s'en méfie, pour ne pas basculer dans un monde qui ne leur conviendrait pas. L'évocation de ce danger fait penser que le basculement de réalité dans Brume, ou ce qui se passe dans Les Langoliers pourrait être dû à des tramées..

     

    LES PORTES DE LA TOUR SOMBRE.

     

     

     

     

    Trois cartes, trois portes.

     

    Dans Les trois cartes 17 , les portes sont omniprésentes, et le nombre des passages est aussi important que dans Le Talisman des Territoires. Amoindri physiquement par l'amputation de deux doigts et d'un orteil par une homarstruosité, infecté et malade, Roland est poussé à aller vers le Nord. Il distingue très loin sur la plage une ... porte "Elle était haute d'une toise, et semblait faite en bois de fer massif, bien qu'il n'y eût probablement aucun arbre à fer à moins de deux cents lieues de là. La poignée paraissait toute en or et le métal précieux était travaillé d'un filigrane étrange." (33) Cette porte se fermera comme les autres après avoir rempli son office, et King ne fera pas l'effort de nous présenter des portes d'apparences différentes. Les trois portes seront les mêmes, seule l'inscription changera, selon le développement du récit.

    La porte du prisonnier.

    Pas de trou de serrure dans ce bouton de porte, ni rien au-dessus, ni au-dessous, ni sur les côtés. Des gonds en revanche, mais qui ne s'articulent sur rien... ou donnent du moins cette impression. "Un mystère", pense Roland : "Cette porte. Qui se dressait là où nulle porte n'aurait dû se trouver. Banalement posée sur ce sable grisâtre à quelque dix pas des marées les plus hautes, apparemment aussi éternelle que la mer elle-même, projetant vers l'est l'ombre oblique de son épaisseur alors que déclinait le soleil. Écrits en lettres noires aux deux tiers du panneau, écrits dans les caractères mêmes du Haut Parler, deux mots: LE PRISONNIER." (34) Derrière la porte, Roland entend un bruit curieux, dont on se demande comment il peut l'identifier à un bruit de moteur, inconnu à Gilead : "Ouvre-la donc. Elle n'est pas fermée. Tu sais qu'elle n'est pas fermée. Mais au lieu de l'ouvrir, il se releva sans élégance et la contourna par en haut, alla voir de l'autre côté. Il n'y avait pas d'autre côté. Rien que la plage grise à l'infini." (34)

    Il retourne à sa place initiale et retrouve la porte : "Il tourna le bouton. La porte s'ouvrit vers lui quand il tira. Ce n'était rien de tout ce à quoi il aurait pu s'attendre. Il regarda, figé, proféra le premier cri de terreur de sa vie adulte et referma violemment la porte. Il n'y avait rien sur quoi la claquer mais il la claqua quand même(...) Ce qu'il avait vu, c'était la terre, mais de très haut, d'une hauteur inconcevable, plusieurs miles dans le ciel, semblait-il. Il avait vu l'ombre de nuages passer sur le globe, le traverser comme en un rêve. Il avait vu ce qu'aurait vu un aigle volant trois fois plus haut que n'importe quel aigle. Franchir une telle porte signifierait tomber en hurlant, pendant d'interminables minutes, pour finir fiché dans le sol." (36) Il lui faut réfléchir pour comprendre que son esprit a franchi la porte et s'est trouvé momentanément dans la tête d'un homme. Il a vu de ses yeux un autre monde, par la fenêtre d'un engin volant, qu'il appelle, faute d'autre terme, une "diligence du ciel." Maintenant qu'il a compris, il tente un nouveau passage.

    Son corps, resté sur la plage, est malade et a besoin de nourriture. Roland essaie d'abord de retourner du monde d'où il vient pour nourrir son organisme en perdition d'un sandwich que l'hôtesse a donné au propriétaire du corps qui héberge son esprit : "Il s'était trouvé en mesure de passer de son monde à ce corps par cette porte au bord de l'océan. Il lui fallait à présent savoir s'il pouvait ou non y rapporter des choses. Il se tourna vers la porte et la franchit avec ses deux moitiés de petit pain." (60) Ce retour se fait aussi facilement que le premier passage de Jack dans les Territoires (excepté le fait qu'une porte est utilisée par Roland, alors que Jack boit une potion), avec quelques détails concrets comme King les aime : s'il réintègre son corps moribond sur le sable, il perd son petit pain parce qu'à ce corps-là, des doigts lui manquant, amputés par une homarstruosité, alors que sur terre son hôte était complet (on peut se demander comment l'esprit de Roland peut ainsi téléporter un sandwich précisément dans une main...). La disparition du petit pain passe inaperçue dans l'avion : "Personne ne le vit s'estomper jusqu'à la transparence puis s'évanouir, ne laissant que quelques miettes." (62) Quant au passager qui l'héberge malgré lui, Eddy, laissé à lui-même, il a l'apparence d'un homme qui dort. 18 Roland fait ainsi quelques expériences-éclair : il vérifie que le passage d'objets est possible en emportant une pièce prise dans la poche d'Eddy de la Terre dans son monde. Par contre, une cartouche du monde de Roland ne fait pas le voyage sur Terre.

    Revenu dans la tête du voyageur, Roland lui demande des informations et en prend le contrôle. Comme il s'est aperçu qu'il a été repéré par une hôtesse, il imagine, pour le débarrasser de la drogue qu'il porte, de le faire passer sur son monde à partir des toilettes 19 de l'avion : "Il se tourna et découvrit une ouverture découpée dans la cloison, quelque chose qui ressemblait à une porte, donnant sur une grève de gros sable gris, sur les rouleaux pisseux qui s'y brisaient. Et ces vagues, il les entendait. Comme il avait dans les narines cette senteur saline aussi amère que des larmes. Passe." (83) Eddie trouve de l'autre côté Roland moribond sur une plage, se débarrasse des paquets de drogue qu'il a collés au corps, et retourne dans l'avion en se rhabillant : "Alors qu'il refranchissait la porte entre les mondes, il baissa la fermeture Éclair de sa braguette. Au bout d'un court instant d'atroce et radical désespoir, le pistolero l'y suivit, en chair et en os un moment - chair envahie de souffrance -, pour ne plus devenir, à sa suite, qu'un Ka détaché dans le cerveau d'Eddie." (96) On remarquera que dans l'avion, la "porte" n'est pas une porte... mais une simple ouverture, le mot subissant une extension de sens. On notera aussi que le corps de Roland a fait un bout de conduite au corps d'Eddie, ce qui annonce des voyages physiques ultérieurs du corps de Roland.

    Roland sait maintenant que le passage humain est physiquement possible par ces portes. D'autres passages par cette porte de son monde, ou les portes fictives, des ouvertures dans les matériaux les plus divers, auront lieu ensuite. Eddie emmène un truand qui en veut à sa vie pour le faire tuer dans le monde de Roland (en passant encore une fois par des WC où une porte s'est ouverte (165). Il y est blessé par Roland et mangé par les homarstruosités. Au dernier passage, "la porte claqua, son morne qui parla des fins dernières, puis bascula sur le sable. Un peu de poussière se souleva autour. Il n'y avait rien derrière, et plus rien maintenant qui fût écrit dessus. Ce passage entre deux mondes venait de se fermer à jamais." (192)

    La porte de la dame des ombres.

    Cette porte ressemble en tout point à la première, simple, se dressant sur ses "gonds solidaires de quelque montant invisible entre un monde et un autre, entre un univers et un autre. Elle se dressait là, délivrant son message gravé, réelle comme le roc, étrange comme la clarté des étoiles." (220) Suivant la prédiction de Walter dans Le Pistolero, cette porte devrait permettre la rencontre de LA DAME D'OMBRES : l'inscription qui s'y trouve bien.
    Il n'y aura cette fois qu'un seul aller et retour. L'épisode de l'aller est dramatisé par une querelle entre Eddie et Roland, menacé par Eddie d'un revolver. Eddie, privé de drogue, veut retourner sur terre en chercher, mais Roland refuse. Eddie menace alors de tuer le corps que Roland doit abandonner : "
    - Je te descends! hurla Eddie. - Ka, répondit tranquillement le pistolero, et il se tourna vers la porte. Sa main se tendait vers la poignée mais son coeur était dans l'attente : dans l'attente de voir s'il allait vivre ou mourir. Ka." (222)

    Roland se retrouve dans un grand magasin, dans la tête d'une voleuse, une femme noire amputée des jambes, qui doit fuir le surveillant qui l'a vue dissimuler un objet. Roland, lui communiquant son énergie mentale, fait foncer son fauteuil roulant vers une cabine d'essayage (décidément, les lieux confinés, WC, cabines sont les lieux de prédilection de la mise en place des portes 20). Deuxième apport destiné à corser le récit, la poursuite a pour spectateur Eddie, qui assiste à la scène du monde de Roland, qu'il voit de la porte par ses yeux, et en plus par ceux de Roland sur Terre : "La soudaine sensation de regarder le monde par deux paires d'yeux était intense, tant elle était folle, tant elle risquait de le faire basculer dans la démence s'il ne s'y soustrayait pas. Mais alors, tout arriva trop vite pour qu'il en eût le temps. Le fauteuil franchit la porte. Ce fut juste. les moyeux crissèrent sur le chambranle invisible. Au même instant, Eddie perçut un autre bruit : un déchirement visqueux qui le fit penser à un mot (placentaire) lequel ne put vraiment lui venir à l'esprit parce qu'il ne se savait pas le connaître. Puis la femme fut à rouler vers lui sur le sable tassé de la grève(...) Derrière elle, la porte entre les mondes avait déjà disparu." (278) Cet épisode du rapt de la femme d'ombres, Detta21 , est plus court que le précédent, mais plus riche dans les possibilités d'utilisation que permettent ces portes.

     

     

    La porte du pusher.

    Roland, malade, étant maintenant hors d'état de se déplacer, ce sont Eddie et Detta qui découvrent la troisième porte. Ils ne comprennent pas les mots écrits sur la porte. La scène à laquelle le lecteur a assisté avec la découverte de la première porte du prisonnier se répète, cette fois avec Eddie et Detta. Ils font le tour de la porte : "Alors qu'ils amorçaient leur tournant, il [Eddie] vit le panneau rétrécir en perspective, en découvrit les gonds, des gonds qui ne semblaient s'ancrer dans rien, puis n'en vit plus que l'épaisseur. Puis plus rien. Il aurait dû y avoir, barrant verticalement le paysage, huit, voire dix centimètres de bois massif (l'extraordinaire épaisseur de la porte n'avait pas manqué de le frapper), mais son regard ne se heurtait à aucun obstacle. La porte avait disparu. Son ombre demeurait mais la porte avait disparu." (359) Revenus en arrière, ils constatent que la porte est réapparue. Ils essaient de l'ouvrir, mais n'y parviennent pas. Seul Roland peut la faire fonctionner.

    Eddie va le chercher, dans le fauteuil roulant de Detta; Roland est surpris par l'inscription de la porte : "II s'était attendu à n'y voir qu'un mot, celui prononcé par l 'homme en noir retournant la cinquième lame de son Tarot dans le poussiéreux Golgotha où ils avaient tenu palabre. Mort, avait dit Walter, mais pas pour toi, pistolero. Il n'y avait pas qu'un mot sur la porte mais deux... et ni l'un ni l'autre n'était le mot MORT. Il relut l'inscription, ses lèvres dessinant en silence chaque syllabe : LE PUSHER. Le sens en est pourtant mort, songea-t-il, le sachant mais sans savoir comment." (370)

    L'esprit de Roland passe sur la Terre dans celui du pusher, Jack Mort le "pousseur", et King nous donne quelques informations supplémentaires sur ce qui se passe mentalement dans l'esprit des récepteurs lors de ces passages : "Quand le pistolero était entré dans l'esprit d'Eddie, celui-ci, un instant, avait été pris de nausées puis il s'était senti observé (ce dont Roland n'avait pas eu conscience mais qu'Eddie lui avait raconté plus tard). Il avait, en d'autres termes, vaguement perçu la présence du pistolero. Avec Detta, Roland s'était trouvé contraint de passer immédiatement au premier plan, qu'il en eût ou non envie. Et elle n'avait pas fait que le sentir: d'étrange manière, il avait eu ( l'impression qu'elle l'attendait - lui, ou quelque autre visiteur plus familier. Toujours fut-il que, dès son irruption, elle avait eu pleinement conscience de sa présence. Jack Mort en revanche ne sentit rien. Il était trop concentré sur le gamin. Voilà quinze jours qu'il l'observait. Aujourd'hui, il allait le pousser." (287)

    La tâche de Roland est double : empêcher le meurtre de Jake et faire retrouver à Odetta la schizophrène son unité perdue à la suite. Il y arrive sans problème pour Jake. Pour Odetta, Roland a compris que sa schizophrénie provient d'un accident provoqué par Jack Mort. Pour la guérir, il use d'une thérapeutique comportementale, en incitant Detta, à regarder par la porte entrouverte ce qui s'est réellement passé lors de son accident : "Detta se vit par l'ouverture entre les mondes, se vit par ses propres yeux, se vit par ceux du pistolero, et son sentiment de dislocation fut aussi soudain que celui éprouvé par Eddie mais en beaucoup plus violent. Elle était ici. Elle était là-bas dans les yeux du pistolero. Elle entendait se ruer la rame de métro. Odetta! cria-t-elle, comprenant tout, soudain : ce qu'elle était et quand c'était arrivé. Detta! cria-t-elle, comprenant tout, soudain : ce qu'elle était et qui en était responsable. Suivit la fugitive sensation d'être retournée comme un gant... puis une autre, mille fois plus torturante. Se déchirer." (483)

    Odetta a retrouvé son unité perdue. Elle est devenue Susannah.

     

    Un regard cinématographique sur l'espace.

     

    Le roman propose divers spectacles par l'ouverture des portes. Par exemple, dans Terres Perdues, Eddie voit Jake en difficulté dans la maison de Rhinehold Street : "Il fut pris de vertige l'espace d'un instant et comprit pourquoi dès qu'il regarda de l'autre côté de la porte : il regardait vers le bas - à la verticale - mais voyait à l'horizontale. On aurait dit une étrange illusion d'optique créée par des prismes et des miroirs. Puis il vit Jake traîné sur le sol parsemé de plâtre et de verre, les coudes râpant le plancher, les chevilles enserrées par une main gigantesque. Et il vit la gueule monstrueuse qui l'attendait, exhalant un nuage blanc de fumée ou de poussière." (282) La recherche dans la mise en scène de King ne se satisfait pas d'une banale description. Il change les plans de visions, en effectuant d'abord une plongée, qui se transforme en prise large normale, pour finir sur un gros plan du monstre. Il est évident que quand il écrit un tel passage, King "voit" la scène avec l'intensité d'un passionné de cinéma.

    King s'amuse même à certains endroits à faire étalage de sa culture cinématographique : "Eddie, par ailleurs, était sidéré. (...) Voilà que maintenant la vue effectuait un de ces virages que le pistolero trouvait si étourdissants, mais ce soudain balayage latéral de la scène eut sur Eddie un effet étrangement rassurant. Roland n'avait jamais été au cinéma. Eddie, lui, avait vu des milliers de films, et ce qu'il avait sous les yeux était l'un de ces travellings avant comme on en faisait dans Halloween 22 ou dans Shining 23Il connaissait même le nom du gadget dont on se servait pour faire ça : une Steadi Cam. - Et aussi dans La Guerre des Étoiles 24murmura-t-il. Sur L'Etoile de la Mort." (247)

    Eddie voit aussi les portes comme une "espèce d'écran magique... d'un écran de cinéma dans lequel on pouvait entrer, pour peu que certaines conditions fussent respectées, comme le type dans La Rose pourpre du Caire 25 sortait de cet autre écran pour entrer dans le monde réel. Sacré film." (246)

    Eddie, qui vit de sa fenêtre spatiale la scène dans laquelle Roland va récupérer Detta, apprécie : "Il était fasciné par la porte, par ce qu'il y voyait, une allée du Macy's qui se ruait vers lui - en repensant de nouveau à Shining, à cette séquence ou l'on voit ce que voit le gamin quand il fait du tricycle dans les couloirs du palace hanté, revoyait le moment où le gosse, au bout d'un de ces couloirs, tombe sur ces horribles momies jumelles." (277)

    Même la clôture d'une porte est prétexte à allusion cinématographique : " Derrière elle, la porte entre les mondes avait déjà disparu. Disparu n'était peut-être pas le meilleur terme. Elle avait donné l'impression de se replier sur elle-même comme un morceau de pellicule repartant à l'envers. (...) Avant que l'ouverture de ce monde sur l'autre ne se fût totalement résorbée, la scène qui s'y inscrivait se figea. Le film se terminait par un arrêt sur image." (278)

    Jean Fabre avait signalé cette caractéristique que comporte le franchissement d'une porte : "Le franchissement d'une porte, par exemple, ou d'un miroir (...)tend, pour peu que la transition soit un peu brutale, à mirabiliser le texte." 26 À partir de l'usage que King en a fait, on pourrait généraliser cet effet d'étonnement, cette "mirabilisation" du franchissement, à la dynamique du passage qui le suit.

     

    LA PROTECTION DES PORTES.

     

    Si les portails, comme on l'a vu précédemment, ont leurs gardiens, les portes ont aussi les leurs. Leur affrontement est souvent dramatique, leur raison d'être étant d'interdire le passage de la porte. Vaincre le gardien est une épreuve qui demande efforts, domination de la peur, et héroïsme : n'appelle-t-on pas souvent "héros" dans la mythologie, ceux qui ont vaincu des monstres-gardiens? Ce qui implique que généralement, la règle du combat contre le gardien est un combat singulier, où la ruse et la stratégie peuvent avoir leur place.

     

    gardien mésopotamien à quatre ailes

     

     

    Les gardiens.

     

    Dans les plus anciennes civilisations, comme celle de la Mésopotamie (en gros l'Irak actuellement), les portes (bûbu et abullu) constituent un lieu de passage potentiellement dangereux puisqu'elles relient deux réalités différentes. Les maisons, les palais, les entrées des temples étaient donc souvent protégés par des gardiens surnaturels, sous forme de statues ou de figurines, placées au-dessus de la porte 27 ou enfouies sous le seuil qu'on a retrouvées, et faites de matériaux divers. Ces génies protecteurs, certains ailés 28, avaient le pouvoir de contrecarrer les influences et êtres surnaturels maléfiques, d'empêcher l'intrusion de démons. Dans de nombreuses autres civilisations, on retrouve cette croyance en un esprit tutélaire, du gardien du seuil, chargé d'assurer son intégrité 29.Le seuil est aussi protégé par d'autres moyens : on traçait un pentacle ou d'autres figures magiques sur le linteau de la porte pour protéger la maison. Des amulettes, des talismans 30 servaient aussi de protections 31. Ailleurs, on répandait du sel, ou d'autres substances.

    Les trésors, les portes des lieux surnaturels, les lieux maléfiques sont protégés par des gardiens, le plus souvent des monstres, des dragons, des serpents, des chiens ou divers animaux monstrueux, voire des hybrides : homme-scorpion ou homme-taureau en Mésopotamie.

    Les portes et les démons de la Tour Sombre : le démon de l'anneau de parole.

    Les démons de l'ancienne Mésopotamie 32 sont en nombre considérable. Les créatures démoniaques, agents ou simples vecteurs du Mal, ont été créées par les dieux, pour être les exécutrices des châtiments décrétés par eux 33. Puis les démons deviennent des entités maléfiques pratiquement autonomes, émanant du monde infernal dans lequel ils cherchent à entraîner leurs victimes. La "possession démoniaque" entraîne des maux physiques et moraux qui excluent de la société humaine ceux qui en sont atteints 34. Les démons entrent en contact avec leur victime par une véritable "saisie". Leur venue est souvent signalée par l'existence d'un souffle. Visibles ou invisibles, parfois entourés d'un halo, leurs corps sont sales, impurs et répandent de mauvaises odeurs. Les démons voient Ieurs pouvoirs néfastes particulièrement renforcés dans les lieux ou les moments les moins bien contrôlés par les hommes : le désert, les ruines, les endroits obscurs. Des démons des deux sexes (comme Lilû et Lilîtu) sont connus pour agresser les hommes ou les femmes pendant leur sommeil 35.

    C'est bien éveillée que Susannah attend de pied ferme le démon qu'elle doit retenir pendant le temps du passage de Jake. Elle "sentit un mouvement dans la prairie déserte derrière le cercle de monolithes : un soupir, un froissement, un murmure. - Y a quelque chose qui arrive, dit-elle d'une voix tendue. Et qui arrive vite(...) Elle n'avait aucun moyen d'échapper au démon qui se trouvait dans l'anneau de parole. (...) Le démon fut sur elle... puis, en un éclair, il fut en elle. Il était bien mâle. Elle ne le voyait pas, mais elle sentit sa masse la pousser en arrière. Elle ne voyait pas ses mains, mais elle vit sa robe se déchirer en plusieurs endroits sous leurs griffes. Puis, soudain, la douleur. Elle eut l'impression qu'on lui déchirait les chairs et poussa un cri de surprise et de souffrance." (Terres Perdues, III. 25/28)

    Detta a occupé le démon le temps qu'il fallait à son compagnon Eddie pour assurer le passage par la porte du quatrième pistolero, Jake. La tâche sexuelle de Susannah terminée, Roland élimine le démon en sautant avec lui dans le vide qui s'ouvre derrière la porte : "Elle entr'aperçut la créature une fois libérée de sa masse invisible - une forme inhumaine évoquant une raie manta pourvue d'ailes membraneuses 36 et d'un membre ressemblant à un crochet acéré. Elle la vit/sentit s'agiter au-dessus de la trappe creusée dans le sol. Vit Eddie lever des yeux écarquillés. Vit Roland ouvrir les bras au démon. Le pistolero trébucha, manquant d'être renversé par la masse invisible du démon. Puis il se redressa, les bras chargés d'un fardeau de néant. Sans le lâcher, il plongea à travers la porte et disparut." (283)

    Deux interventions successives, qui ne contredisent pas l'assertion, faite plus haut que le combat contre le gardien est surtout singulier. Susannah a dû affronter seule le démon, et sa mission terminée, Roland a pris la suite : dans La Tour Sombre, c'est souvent le ka-tet, une équipe, qui affronte les forces obscures.

     

     

    Les portes et les démons de la Tour Sombre : Le démon du manoir de Rhinehold Street.

    La porte d'accès entre les mondes qui permettra à à Jake de rejoindre le monde de Roland se trouve dans une maison abandonnée, un des lieux de prédilection de King (Marsten House dans SalemÔs Lot, l'hôtel Overlook dans Shining, l'hôtel Noir de Le Talisman, ou encore la maison de Neibolt Street deÇa). Mais pour pouvoir effectuer son passage, Jake doit d'abord affronter le gardien, un autre type de démon, l'esprit maléfique de la maison : "Au bout de ce couloir, une porte fermée au bouton doré. Sur cette porte étaient écrits - ou peut-être gravés - deux mots: LE GARÇON. Sous le bouton de porte, il y avait une plaque d'argent et un trou de serrure." (269) Le démon lui interdit le passage : "La créature surgie du mur poussa un grognement (...) La chose s'était complètement extirpée du mur, immense tête de plâtre à l' oeil de bois et à la main de plâtre. Des morceaux de lattes hérissaient son crâne, telle une chevelure dans un dessin d'enfant. Elle vit Jake et ouvrit la bouche, révélant ses dents de bois déchaussées. (...) Le gardien de la porte vit que Jake le regardait et sembla lui sourire. Des échardes jaillirent de ses joues ridées. Il se traîna à travers la salle de bal envahie par la poussière, ouvrant et refermant la bouche comme un agonisant." (275)

    Monstre de plâtre, le gardien de la porte est plus que cela : "Il était la maison : chaque planche, chaque plinthe, chaque poutre, chaque ardoise. Et il émergeait de sa gangue de plâtre et de bois pour devenir une représentation aberrante de sa véritable forme. (...) un nouveau masque, celui d'un troll monstrueux et difforme." (281)

    Sur le monde de Roland, Eddie est parvenu à ouvrir enfin la porte, la clé en bois qu'il a réalisée pour l'ouverture n'étant pas parfaite : "
    La forme était là, enfin là. Eddie remit la clé dans le trou de la serrure et appuya dessus. Il sentit une résistance momentanée... puis elle tourna sous ses doigts. Il entendit le mécanisme cliqueter, entendit le pêne tourner, sentit la clé se briser en deux dès qu'elle eut rempli son but. Il saisit des deux mains le bouton de porte et tira. Il sentit une immense masse pivoter sur un axe invisible. Eut l'impression que son bras était investi d'une force gigantesque. Et sut avec certitude que deux mondes venaient d'entrer en contact, qu'un passage venait d'être ouvert entre eux." (282)

    De nombreuses péripéties agrémentent ce passage, le plus difficile de tous. Roland est obligé de passer sur terre pour venir à l'aide de Jack en péril : "La maison ressemblait à présent à un navire battu par la tempête. Une pluie de bois et de plâtre tombait tout autour d'eux. Roland prit Jake dans ses bras et fonça vers la porte. La main de plâtre, agitée de tremblements convulsifs, le frappa aux pieds et l'envoya dans le mur, qui chercha de nouveau à mordre. Roland s'en écarta, se retourna et dégaina. Il tira à deux reprises sur la main en convulsions, pulvérisant un des doigts de plâtre. Derrière eux, le visage du gardien avait viré au pourpre marbré de noir, comme s'il s'étouffait(...) Roland se retourna et s'engouffra dans la porte. En dépit de l'absence de barrière visible, il resta immobile quelques instants, comme si un grillage invisible venait de tomber en travers du seuil. Puis il sentit les mains d'Eddie dans ses cheveux, qui le tiraient non pas en avant mais vers le haut." (284)

    La remarque faite précédemment vaut encore ici : Jack a lutté vaillamment contre le gardien, est parvenu jusqu'à la porte, mais a failli succomber. Il n'a pas encore l'étoffe d'un héros. Par contre Roland, le pistolero, a su rapidement vaincre le monstre : Jack étant parvenu seul à l'endroit que les rituels magiques rendent indispensable à la réussite de son passage, Roland a fait le reste. La réussite résulte cette fois encore d'un travail d'équipe.

    Les trois cartes sont maintenant tirées : que va devenir la porte, qui s'ouvre encore sur le manoir de Rhinehold Street? Le démon de la maison n'est manifestement pas content : "Une véritable cacophonie monta des profondeurs de la terre : couinements, grognements, gémissements(...) Referme-la, dit-il à Eddie. Referme-la. (...) Eddie- souleva la porte et les immenses charnières invisibles firent le reste. Elle retomba avec un bruit sourd, faisant taire les cris qui montaient de la terre. Sous les yeux d'Eddie, les traits qui l'avaient dessinée s'estompèrent pour devenir des sillons boueux. Le bouton de porte perdit tout relief et redevint un cercle tracé par un bâton. Là où s'était trouvé le trou de la serrure, on ne voyait qu'un gribouillis." (285)
    Comme les portes précédentes avaient disparu après avoir rempli leur office, le dessin qu'Eddie avait dessiné sur le sol retourne à son tour au néant.

     

    Hercule combattant  Cerbère (vase antique)

     

     

    Les animaux protecteurs.

     

    Territoires ajoute une maison maléfique à la liste des lieux hantés énumérés plus haut : Black House, maison perdue dans les bois, d'un noir uniforme qui recouvre même ses fenêtres, est comparée par King à la maison de Shirley Jackson, Hill House 37, ou encore à Rose Red 38 : "Cette bâtisse n'appartient pas tout à fait à notre planète. Elle est même difficile à voir car, dans ses parages, les yeux nous jouent des tours. Pourtant, si nous parvenons à la fixer quelques secondes durant, nous aurons devant nous une maison de deux étages d'apparence tout à fait normale. (...) Ah ! il y a aussi cet aspect un peu fuyant, de guingois, qui éveille de vagues soupçons sur l'intégrité de la construction." (Terr., 479)

    King fait d'ailleurs une référence aux trous noirs39 des astronomes pour expliquer sa fonction : "Cette maison, c'est plutôt comme... un trou de ver dans une pomme, vous voyez? Elle ouvre sur... sur un autre monde." (495)

    Black House possède deux gardiens : un gardien rapproché, un chien monstrueux; un gardien ailé informateur, qui contrôle un territoire plus vaste , un corbeau. Jack, qui a pénétré dans la maison, les entend à l'extérieur "des aboiements lointains émis sans doute par le chien démoniaque de l'abbalah, celui qui a fait rebrousser chemin à nos amis motards, et, parfois, les croassements sardoniques d'un corbeau qui nous apprennent que Gorg est à également quelque part." (480)

    Le cerbère.

    C'est de ce nom que King qualifie évidemment le chien de garde de Black House, qu'affrontent les motards solidaires de Jack. Cerbère est le chien de garde des Enfers, le royaume d'Hadès dans la mythologie gréco-latine : "Quelque part sur la gauche, un chien grogne. Son pistolet sorti de la poche, Saint Pierre entend le grondement les suivre le long les taillis. Le chien - car c' en est un, évidemment - se rapproche encore. Le vacarme est tel que le Pif croit voir une gueule géante, des yeux rouges de fureur, des crocs ourlés d'une bave écumante." (365) Il imagine, car il n'a pas encore vu le chien.

    Il croit voir l'animal, un énorme chien cramoisi, foncer sur un motard tombé à terre, appelé Souris : "II entend les cris de Souris et, surtout, des hurlements de chien qu'il s'étonne de ne pas avoir perçus plus tôt, car ils couvrent tous les autres bruits, même le vacarme des moteurs. Ce putain de chien de Baskerville 40 est en train de leur arriver dessus. (...) Il croit voir une gueule Immense, celle d'un ours plutôt que d'un clebs, se refermer sur la tête de Souris, mais il efface l'image de son cerveau." (367) L'imagination joue décidément un grand rôle ici, car le chien cramoisi devient quelques lignes plus loin un chien noir : "Sur sa droite, une forme noire, gigantesque, déboule des taillis et fonce en diagonale vers Souris. Doc appuie sur la détente. Le fracas oblige la créature à se tourner vers lui. II ne voit que deux yeux rouges, une bouche bourrée de dents effilées, une langue pendante, éléments distincts enchâssés dans une confusion d'air noirci, comme une cape flottant seule..." (367) Le seul effet du projectile est d'interrompre la course de la bête un court moment.

    La suite laisse penser que King se laisse, à son habitude, emporter par des comparaisons douteuses : "Le rugissement fait maintenant penser à un 747 près d'atterrir, et Sonny se dit qu'il a envie de tout sauf d'apercevoir la créature capable de produire un son pareil. (...) Là-bas, le monstre a les mâchoires sur la jambe de Souris, où il s'apprête à arracher un morceau de chair gros comme un hamburger. La balle, non, le missile tiré par le Magnum au lieu de la pulvériser le projectile ne fait que bousculer la créature, qui se détourne de sa proie." Elle se dirige vers Sonny qui garde son sang-froid et décharge son arme dans la gueule du chien : "La balle aurait dû arracher la tête du monstre. Pourtant, pendant quelques secondes, rien ne se produit. Puis sa silhouette se dessine plus nettement, comme émergeant des ténèbres. Ses formes sont enfin définissables, comme si un voile noir se levait lentement : un cou épais fiché sur des épaules massives, des pattes de devant fortement musclées... Est-ce que le monstre devient simple chien"? Le groupe continue à tirer et le chien fuit. (370)

    Le lecteur est perplexe : quelle est exactement la nature de l'animal? Plus tard, quand, mission accomplie dans les Territoires, ils quittent la maison qu'ils vont détruire : "Un gros chien, imposant mais non monstrueux, arrive en claudiquant sur le chemin qui conduit à la grand-route. Un croisement le bouledogue et de danois, dirait-on. Il lui manque un côté de la gueule et une patte arrière. C'est ton chien du diable, Doc" Il n'y a même pas besoin de l'abattre, le chien meurt de lui-même. (529)

    Jack donne l'explication, qui s'applique à d'autres apparitions : "Ce sont des leurres, Doc. Des images conçues pour tenir à l'écart les indésirables." (512) De l'illusion... Le monstre n'était qu'un produit de l'imagination.

     

     

     

    Le corbeau.

     

    Le corbeau est l'oiseau funèbre, un messager de l'autre monde et de la mort, dans Le Fléau un de ses avatars de Flagg. Le corbeau-espion de Black House n'a pas peur des hommes : "Un gros corbeau bat des ailes sur une branche basse. «II a l'air de me fixer droit dans les yeux », se dit Sonny, ce qui est absurde mais très dérangeant aussi, car les pupilles de l'oiseau paraissent animées d'une ironie féroce." (364) Ce corbeau est au service des forces maléfiques. Il ne se contente pas d'exercer une surveillance surveillance, il est complice d'un certain nombre d'actions criminelles accomplies par d'autres auteurs. C'est bien sûr le héros Jack qui va le tuer : "- On nous surveille. (...) Jack en pivotant prend par surprise un gros corbeau perché sur une branche de chêne, tout près du sol. Avec une plainte aiguë, la créature se décompose en divers éléments, un brouillard de sang, un nuage de plumes noires comme la nuit et un corps qui vient toucher bruyamment le bas-côté de la route. Un oeil sombre jauge le tireur avec une stupeur vitreuse." (507)

    Les formules.

    Le seuil participe du sens ésotérique de la porte. Franchir une porte, c'est symboliquement se placer sous la protection du maître de la maison, protection liée à la pureté des intentions 41. Le seuil est la frontière du sacré, et la tradition était de franchir le seuil des portes des temples d'une seule enjambée, sans que le pied le touche. La porte se verra aussi investie de tout un rituel permettant son ouverture ou sa fermeture. La plus célèbre formule magique permettant l'ouverture d'une porte vient du Livre des Mille et une nuits, avec l'histoire d'Ali Baba et des quarante voleurs. Un artisan de Perse découvre par hasard le secret d'une bande de voleurs, qui a une cachette secrète pour ses rapines : "Leur chef, qui était en tête de file, déposa un instant son lourd bissac sur le sol, se redressa de toute sa taille face au rocher et, d'une voix retentissante, s'adressant à quelqu'un ou à quelque chose d'invisible à tous les regards, il s'écria : « Sésame, ouvre-toi! » Et aussitôt le rocher s'ouvrit largement. (...) Quand ils furent tous entrés, il rechargea son bissac sur son dos, et pénétra le dernier. Puis il s'écria d'une voix de commandement sans réplique : « Sésame, referme-toi ! » Et le rocher se referma en se scellant, comme si jamais la sorcellerie du brigand ne l'avait divisé, par la vertu de la formule magique." 42

    Quand Jack veut pénétrer dans Black House, plusieurs apparitions perturbatrices se produisent d'abord, sans résultats. Pour entrer, Jack doit utiliser la formule consacrée : "II se retourne vers la porte, frappe un seul coup sec. - Ouvrez! Au nom de la Reine Lauré DeLoessian, je l'exige! Et au nom de ma mère! Un craquement suraigu fait sursauter ses trois compagnons. Le battant s'entrouvre de quelques millimètres, peinant sur ses gonds. Par l'interstice se glissent d'âcres effluves que Jack identifie aussitôt : ce sont ceux de la mort." (510) Il lui suffit ensuite de saisir la poignée, qui tourne sans résister.

    King ne fait pas allusion à une conduite antérieure de Jack enfant dans Le Talisman, qui est identique dans son esprit. Combattant un chevalier en armure, il va avoir le dessous, jusqu'à ce qu'il reçoive le message télépathique : "Toute la magie est en toi, Jack! Ne le sais-tu pas maintenant? Un instant, il resta planté là, hors d'haleine, puis il reprit son ascension, les yeux fixés sur l'inexpressif masque de fer au-dessus de lui. (...) - Disparais de la surface de ce monde, déclara-t-il d'une voix grave, calme, presque sur le ton de la conversation. En son nom, je te l'ordonne. La lueur rouge dans le heaume s'éteignit comme la chandelle à l'intérieur d'un potiron évidé." (577)

     

     

     

    Les clés.

     

    Le clés dans Lovecraft.

    Dans plusieurs oeuvres de H. P. Lovecraft [À la Recherche de Coda (1927), La Clef d'argent (1926) ou À travers les portes de la clef d'argent (1933)], un monde parallèle entre en contact avec notre réalité afin d'y déverser ses horreurs et ses "abominations". Lovecraft a fait des "passages" entre la Terre et les espaces un des éléments principaux de son oeuvre. De même en ouvrant des fenêtres, d'où l'observation est possible.

    Dans La Clef d'argent, un personnage, Randolph Carter cherche la porte qui lui permettra d'entrer dans le monde-autre qu'il pressent : "Il sut qu'il était tout près de l'une de ces portes que quelques hommes audacieux et maudits ont ouvertes à travers les murs titanesques qui séparent notre monde de l'absolu. Il avait l'intuition qu'en cet endroit et en ce jour de l'année, il pourrait répondre avec succès au message que les mois précédents il avait déchiffré dans les arabesques de cette clé d'argent terni incroyablement ancienne. Il savait à présent comment elle devait être tournée, comment elle devait être tenue au soleil couchant et quelles syllabes incantatoires devaient être psalmodiées dans le vide au neuvième et dernier tour. Dans un lieu aussi proche que l'était celui-là de la sombre polarité et de la porte promise, la clé ne pouvait faillir à ses pouvoirs originels. Il reposerait, certainement cette nuit même, dans cette enfance perdue qu'il n'avait jamais cessé de regretter." 43 Effectivement, Carter ouvre avec cette clé la porte qui lui permet d'entrer dans le monde des Anciens.

    La clé d'Eddie.

    Pour faire passer Jake de la Terre dans les Territoires, Eddie sait qu'il doit sculpter une clé. Cette clé lui permettra d'ouvrir la porte encore inconnue qui lui rendra possible le franchissement des limites entre les mondes. Il a vu la forme de cette clé dans le les flammes d'un feu, en même temps qu'une rose 44 : "Trois V inversés, celui du centre plus grand et plus large que les deux autres. Et le petit machin en forme de s au bout. C'était ça, le secret." (121)

    Il se sent "poussé" à choisir l'arbre, un frêne, végétal rare à l'endroit où ils se trouvent : "- Le frêne est un arbre très noble et très puissant, fit remarquer Roland" (121) Eddie taille une clé, dont il n'est pas satisfait : "Ce qui le perturbait pouvait se résumer en termes très simples : c'était tout ou rien. S'il se plantait, ne fût-ce que d'un iota, la clé ne tournerait pas quand ils auraient besoin qu'elle tourne. Et ce petit machin en forme de s le rendait de plus en plus nerveux. Ça avait l'air tout simple, mais impossible de le tailler à la perfection..." (217)

    Il éprouve de nombreuses difficultés pour y parvenir. Il "sait" que la clé ne marche pas : "C'était là, là qu'il s'était planté, c'était si visible qu'il ne comprenait pas comment il avait fait pour ne pas le voir. Je devais vraiment m'être bandé les yeux. (...) La forme dissimulée dans le bois apparut avec plus de clarté, - lui apparut dans toute son adorable et indéniable réalité." (280)

    La clé de Jake.

    De son côté, sur un terrain vague, Jack entend des voix, de "millions de voix", dont celle de Roland de Gilead : "Il y avait surtout ce bourdonnement sublime, cette vibration qui voulait lui emplir la tête d'un blanc étincelant. Jake faillit succomber à une joie toute-puissante lorsqu'il se rendit compte que cette voix était la voix du Oui; la voix du-Blanc; la voix du Toujours. C'était un choeur céleste proclamant une affirmation unanime ;et ce choeur chantait dans le terrain vague. Il chantait pour lui. Puis, enfouie par les bardanes enchevêtrées, Jake vit la clé, et derrière la clé, la rose." (170)

    Plus tard, le passage doit donc, pense-t-on, s'effectuer avec DEUX clés 45 : celle d'Eddie, encore imparfaite; celle de Jack, qu'il a fait malheureusement tomber entre deux lattes du plancher et que le gardien de la maison l'empêche de récupérer. Double suspense donc : Eddie pourra-t-il achever la clé dans les délais? Jack va-t-il récupérer la sienne?

    L'ouverture de la porte.

    Après maintes péripéties, poursuivi par le gardien de la maison, Jake parvient à la porte : "Jake tourna la clé dans la serrure et sentit un soudain flot d'énergie lui parcourir le bras. Il entendit un bruit mais étouffé lorsque le pêne tourna dans le verrou. Il saisit le bouton de porte, le tourna et ouvrit la porte. Elle pivota sur ses gonds. Jake poussa un cri d 'horreur en découvrant ce qu'elle dissimulait. Le seuil était bloqué par une masse de terre, de haut en bas et de gauche à droite(...) La silhouette du trou de serrure resta visible quelques instants, projetant sur la chemise de Jake un faisceau de lumière laiteuse. Derrière lui - si près, si loin - il entendait la pluie, et le tonnerre qui déchirait le ciel. Puis le trou de serrure disparut et des doigts gigantesques se refermèrent sur la cheville de Jake." (278)

    Pas de porte dans le monde de Roland. Mais Eddie "sait" à nouveau ce qu'il doit faire. Avec un bâton, il dessine une porte sur le sol, en dépit des éléments contraires : il s'est mis à pleuvoir, ce qui efface les traits tracés par Eddie, que Roland doit protéger : "Cette porte n'était pas exactement aussi grande que celle que devait franchir Jake - peut-être faisait-elle les trois quarts de sa taille -, mais elle serait assez grande pour lui permettre le passage... si les clés marchaient. Il dessina une plaque sous le cercle qui représentait le bouton de porte, hésita, puis traça les contours familiers d'un trou de serrure." Mais Eddie sent que ce n'est pas suffisant, et on retrouve à un autre niveau le même rituel que Lovecraft décrivait sur la façon de tenir la clef d'argent : "Il écrivit soigneusement LE GARÇON au-dessus de la porte avec la pointe de son bâton. A l'instant précis où il achevait de tracer le N, son dessin s'altéra. Le cercle de terre sombre qu'il avait tracé s'assombrit encore, puis le dessin émergea du sol, devenant un bouton de porte luisant. Et un faible rai de lumière jaillit du trou de la serrure."

    Un trou de serrure sollicite le regard, et avant d'ouvrir la porte, Eddie essaie de voir ce qu'il y a derrière : "Il colla son oeil au trou de serrure qu'il avait dessiné. Il regarda à travers et découvrit son propre monde." (273) À sa surprise, il découvre une maison à la mauvaise réputation que son frère et lui étaient allés visiter quand il était gamin... Puis il voit, dans un couloir, Jake chercher sous le plancher la clé qui s'y est glissée, alors que le monstre du manoir fonce sur lui.
    Au cours d'une action palpitante, le passage se fera au dernier instant dans de bonnes conditions.

    Conclusion.

    Dans d'autres études, je poursuivrai ultérieurement une exploration de la notion d'espace chez Stephen King. King est sensible, comme tous les êtres humains, à ce qui peut susciter le sentiment d'étrangeté. Bien avant, l'exploration de l'espace et les découvertes modernes, les hommes avaient inventé, dans leurs légendes, des histoires improbables, donnant à leurs fantasmes des dimensions de rêve et de dépaysement que seules de nos jours les oeuvres littéraires sont en mesure d'assurer.

    Dans les sociétés primitives, le discours religieux par excellence est le mythe. L'équivalent des mythes du passé se retrouve de nos jours dans les littératures de l'imaginaire. Leur fonction n'a pas changé : trouver des réponses aux questions qui se trouvent sans solutions. Des éléments de réponse se trouvent certes dans les découvertes des scientifiques. Mais, inabordables au plus grand nombre, elles ne sont pas intégrées aux mentalités modernes. Et le sociologue se retrouve un peu effaré devant des comportements archaïques face à des problèmes comme celui de l'espace, devenus inabordables à cause de la complexité du langage scientifique. Faute de comprendre, les hommes imaginent, à partir de connaissances superficielles, mal digérées, ou volontairement rejetées. Ce n'est pas demain que cette attitude cessera, que les littéraires cesseront de nous proposer ce qui n'est finalement que des pâles équivalents des anciens mythes affaiblis, qui continuent à remplir la même fonction dans des mondes où les superstitions prennent peu à peu le pas sur la réflexion.

     
     
     
     

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  •  bien qu'il ne s'agisse que des regles d'un jeu cet article c'est beaucoup inspiré de la spiritualité du plan astral il est aussi dangereux de jouer à des jeux dont on ignore l'issue même si c'est pour jouer vous risquez de vous trouver dans une situation de non retour il y a en ce moment une monté de l'inconscience collective qui mélange volontairement les deux mondes et certains peuvent s'y perdre car une porte peut être très vite franchi sans qu'on s'en rende compte pour autant et des disparitions humaines restent à ce jour mystérieuses....pas pour tout le monde car ceux qui vous font jouer à des jeux dangereux peuvent vous conduire au néant ou dans un monde qui n'est pas le vôtre.

     

     

     

    C'est l'espace qui sépare tout, la route qui mène partout, le lieu où l'on se trouve lorsque l'on n'est nulle part ailleurs.

     

     

     

     

    Le plan Astral est l'espace qui sépare les plans. Lorsqu'un personnage franchit un portail interplanaire ou projette son esprit dans un plan d'existence différent, alors il voyage à travers le plan Astral. Même les sorts permettant un mouvement instantané à travers un plan, comme porte dimensionnelle, touchent brièvement au plan Astral.
    Le plan Astral est une formidable sphère infinie de ciel clair et argenté, s'ouvrant aussi bien en haut qu'en bas. De larges nuages en forme de tubes ondulent paresseusement au loin, certains rappelant ceux d'un orage et d'autres des tornades immobiles de vents gris. Des tourbillons de couleur erratiques dansent à mi-hauteur, tels des pièces de monnaie tournoyantes. On aperçoit à l'occasion quelque morceau de matière solide, mais la majorité du plan Astral est un heu ouvert et infini.
    Des voyageurs planaires, tout comme les réfugiés d'autres plans, résident dans le plan Astral. Ses principaux habitants sont les githyankis, une race de proscrits faisant leurs proies des voyageurs passant par le plan. Le plan Astral rassemble les résidus de grands événements ayant ébranlé les fondations de la cosmologie elle-même. Les corps fracasses et fondus de dieux morts, oubliés par leurs adorateurs et bannis des plans divins, peuvent y être découverts. Certains disent d'ailleurs qu'ils ne sont pas vraiment morts, mais seulement endormis...

     

     

     

    Caractéristiques astrales

    Des trois plans transitoires, le plan Astral est le plus étrange pour les autochtones du plan Matériel. À la première visire d'un voyageur originaire du plan Matériel, il n'y trouve en effet pratiquement rien de familier. Le plan Astral possède, les caractéristiques suivantes. Aucune gravité : les voyageurs peuvent s'y déplacer par la pensée (cf. ci-dessous). Les objets et créatures ne possédant pas de valeur d'intelligence ne peuvent pas se mouvoir dans le plan Astral, mais il reste possible de les pousser.

    • Passage du temps immuable : le vieillissement, la faim, la soif, le poison et la guérison naturelle n'affectent personne dans le plan Astral, bien qu'ils reprennent leur cours normal lorsque le voyageur le quitte.
    • taille infinie.
    • Caractéristique d'altération normale.
    • Pas de caractéristiques élémentaires ou énergétiques : certaines régions de pente taille de ce plan peuvent posséder une ou plusieurs de ces caractéristiques, mais pas le plan dans son ensemble.
    • Alignement neutre modéré.
    • Magie renforcée : tous les sorts et pouvoirs magiques utilisés dans le plan Astral peuvent être employés comme s'ils étaient bonifiés par le don Incantation rapide. Les sorts et pouvoirs magiques bénéficiant déjà de ce don ne sont pas affectés, tout comme les sorts lancés par des objets magiques. Les sorts recevant de celte manière un déclenchement lapide sont toujours préparés et lancés à leur niveau non modifié. Comme avec le don Incantation rapide, on ne peut lancer qu'un sort à déclenchement rapide par round.

     

     

     

     

    Liens astraux

    Le plan Aslral esl omniprésent et peut potentiellement posséder des liens menant à n'importe quel plan de votre cosmologie.
    De nombreux individus passent à travers le plan Astral sans s'en rendre compte lors de l'incantation d'un sort ou de l'utilisation d'un portail interplanaire. Ils ne se retrouvent dans le plan Astral que lorsque quelque chose va de travers, comme dans le cas d'un sort de porte dimensionnelle mal lancé ou d'un sac sans fond placé dans un portail portable. Lorsqu'un objet doit passer « ailleurs » sans en avoir la possibilité, il se retrouve généralement dans plan Astral.
    Il existe également des portails permanents reliant divers plans au plan Astral. Les étrangers qui, pour le reste, ne possèdent pas la capacité de voyager entre les plans peuvent s'en servir pour rejoindre le plan Astral.
    Un grand nombre d'ouvertures, appelées « mares de couleur », relient le plan Astral aux autres plans. Les mares de couleur sont des disques irréguliers d'une couleur particulière flottant dans l'immensité du plan Astral. La couleur de la mare indique au voyageur astral le plan qui se trouve de l'autre côté.
    Sept mares de couleur sur dix sont des portails à sens unique menant au plan en question. Les trois autres peuvent être franchies dans les deux sens. Le sort de projection astrale conserve toujours son lien à travers ces mares de couleur, quel que soit le sens dans lequel elles peuvent être franchies, et un personnage pénétrant dans un nouveau plan peut donc toujours revenir au plan Astral à travers un portail à sens unique.
    Les portails courant à travers le plan Astral et menant à d'autres plans forment des tubes ressemblant à de larges traînées grises se détachant sur le ciel. Les voyageurs peuvent se rendre en un lieu particulier d'un autre plan en s'accrochant à l'un de ces tubes et en le suivant jusqu'à l'une de ses destinations, bien que cette façon de voyager puisse se révéler périlleuse.
    Les tubes ploient et serpentent à travers le plan Astral, et en attraper un peut être comparé au fait de chevaucher une tornade. Pour attraper un tube, il faut réussir un jet de Volonté (DD 20). En cas d'échec, le personnage est violemment projeté au loin et encaisse 1d10 points de dégâts à cause de la turbulence astrale. Mais s'il réussit, le voyageur attrape le tube et se rend instantanément dans l'un des deux plans qu'il relie. Les tubes ont tendance à couler dans une direction ou dans l'autre, mais ils n'en changent pas souvent, de sorte qu'un personnage parvenant à s'accrocher suffisamment rapidement à une série de tubes finit par revenir au plan de départ. Une forme astrale s'accrochant à un tube forme un nouveau corps une fois arrivée au plan de destination.
    L'utilisation d'un tube présente l'avantage de fournir au voyageur un probable moyen de quitter son plan d'arrivée. Malheureusement, il est impossible de dire en observant un tube quels sont ses plans de départ et de destination. Les voyageurs astraux ne disposant d'aucun autre moyen de transport et devant rapidement quitter le plan Aslral utilisent souvent un tube.

     

     

     

    Habitants astraux

    Le plan Astral possède peu de formes de vie locales. On y rencontre toutefois de nombreux voyageurs et certains natifs d'autres plans y ont même élu domicile. Les plus remarquables de ces « quasi-autochtones » sont les githyankis, race qui fuit autrefois devant ses maîtres flagelleurs mentaux et fonda sa propre société tyrannique, presque aussi assoiffée de sang que celle de ses esclavagistes illithids. Le cuirassier astral est peut-être une forme de vie locale, mais l'origine de cette créature est difficile à préciser.
    On y rencontre des voyageurs sous forme physique ou sous forme astrale. Dans ce dernier cas, ils possèdent l'apparence fantomatique d'images argentées d'eux-mêmes. Une corde d'argent traîne derrière chacun d'eux sur quelques dizaines de centimètres, puis se perd dans la brume. De manière générale, les formes astrales sont plus dangereuses que les formes physiques, puisqu'un grand talent magique est nécessaire pour lancer le sort de projection astrale (ce qui n'est pas le cas de changement de plan}.

     

     

     

     

     

     

    Forme astrale

    Une forme astrale possède les mêmes capacités générales que son corps d'origine, parmi lesquelles la classe d'armure, le nombre de points de vie et les valeurs de caractéristiques. Mais elle présente également des différences par rapport à son pendant matériel.

    Mort

    Il est impossible de tuer normalement une forme astrale. Si une forme astrale est détruite (que son nombre de points de vie descende à -10 ou qu'elle soit abattue autrement), l'âme du voyageur astral retourne à son corps d'origine, qui est lui sain et sauf.

     

     

     

    Voyage vers l'ailleurs

    Si une forme astrale franchit une mare de couleur ou se rend d'une manière ou d'une autre dans un autre plan, elle forme un nouveau corps à partir des éléments de construction du plan lui-même. Ce corps est identique à sa forme normale, mis à part le fait qu'il est immunisé aux dangers naturels de ce plan en particulier. Ainsi, un corps astral se rendant dans le plan élémentaire du Feu est immunisé contre les dégâts fiés à la caractéristique de Feu dominant. Si la forme astrale meurt, l'âme revient au corps d'origine, toujours intact.

    Objets

    les objets portés, tenus et transportés que possède la forme d'origine ne sont pas endommagés si leur forme astrale est abîmée ou détruite dans le plan Astral. Lorsque le voyageur quitte le plan Astral, ces objets se fondent dans le néant, même si le voyageur avait l'intention de les y laisser. Si. quelqu'un s'empare d'un objet de la forme originelle alors que son propriétaire se trouve en voyage astral, la copie astrale de l'objet disparaît également. Si la forme astrale du voyageur emploie un objet magique possédant un nombre d'utilisations limité (comme une potion, un parchemin ou une baguette), l'utilisation est dépensée sur le véritable objet comme sur la copie.
    Un voyageur astral peut rapporter vers son véritable corps un objet ramassé, tant que la forme astrale le rejoint normale ment. En revanche, si la forme astrale est tuée, les objets astraux ramassés en route restent où ils sont et n'accompagnent pas l'âme du personnage.

     

     

     

    Guérison

    Dans le plan Astral, la guérison naturelle n'opère pas. Cependant, les guérisons magiques fonctionnent normalement sur les formes astrales.

    Corde d'argent

    Une forme astrale peut toujours revenir à son corps d'origine au prix d'une action simple. Lorsqu'une forme projetée astra lement traverse une mare de couleur ou un autre portail, la corde d'argent se lie au portail, ce qui permet au voyageur de revenir à son corps même si la mare ou le portail possède des propriétés (comme un sens de franchissement unique) qui devraient normalement empêcher un tel mouvement.
    Le fait de couper la corde d'argent qui relie la forme d'un voyageur astral à son vrai corps tue ce dernier. La corde apparait généralement à la base du crâne et s'étend derrière lui sur 1,5 m avant de disparaître dans le plan Astral. Seules certaines circonstances, comme un vent psychique, l'attaque d'un cuirassier astral ou le coup d'une puissante épée githyanki, peuvent rompre ce lien. Les monstres, objets et circonstances normaux ne peuvent briser une corde d'argent, à moins que le contraire ne soit explicitement spécifié.
    Tout voyageur astral est automatiquement averti du danger lorsqu'une menace quelconque pèse sur sa corde - ce n'est toutefois pas le cas pour son corps d'origine, et c'est pourquoi de nombreux voyageurs laissent derrière eux des gardiens ou des sorts afin de protéger ce dernier ou d'alerter son propriétaire en cas de danger.

     

     

    Les githyankis

    Les githyankis vivent dans le plan Astral dans des villes, des forteresses et des citadelles. Les plus grandes agglomérations sont bâties sur des cadavres de dieux sans nom et oubliés depuis longtemps, où la chair divine a laissé la place à la simple pierre. Comparées à celles de la plupart des autres races, les communautés githyankis sont de nature très militaire. Bien qu'ils ne vivent pas dans des casernes, leurs demeures et leurs allaites sont régies par le rang et la position de chaque individu ou groupe d'entraînement. Les githyankis ne sont pas organisés en familles : ils s'identifient par le groupe d'entraînement auquel ils appartiennent. L'entraînement est une des valeurs les plus importantes à leurs yeux et celui-ci cesse rarement. Chaque githyanki s'efforce de dépasser son ou ses compagnons.
    Centres d'entraînement, laboratoires magiques et psioniques et champs d'essais occupent la plus grande place dans toutes les communautés githyankis.

     

     

     

    Tu'nai-ath

    Tu'narath est la plus grande et la plus belle ville githyanki. Llle se dresse sur le corps d'un dieu, qui était mort depuis des éons lorsque les githyankis arrivèrent dans le plan Astral. La gravité se fait sentir à 60 mètres autour de la forme de pierre, ce qui permet à ses habitants d'y marcher normalement.
    Tu'narath possède une population githyanki d'environ 100 000 individus. En outre, la ville est suffisamment cosmopolite pour accueillir d'autres races, chacune possédant son propre quartier : bariaurs, humains et quelques spécimens de fiélons. La souveraine de tous les githyankis, la reine liche, y réside et quitte rarement le sanctuaire de son gigantesque palais. Ce dernier est sculpté dans ce qui a pu être le front du gargantuesque dieu mort sur lequel Tu'narath s'agglutine. C'est de loin la construction la plus haute et la plus large de Tu'narath.

     

     

     

    La reine liche

    L'actuelle souveraine des githyankis, Vlaakith la reine liche, règne sans partage depuis plus de mille ans. C'est à son statut de liche qu'elle doit une telle longévité. Elle n'a pas de descendance et il est peu probable qu'elle en aura un jour. Mais elle n'a de toute façon pas l'intention d'abandonner les rênes du pouvoir et un héritier ne lui est donc pas nécessaire.
    D'apparence hideuse, la reine liche ressemble à un cadavre noirci et âgé, aux étranges yeux d'émeraude. Sa préférence va aux longues robes violettes ornées d'or et piquetées de pierres précieuses. Une coiffe élaborée d'or et de rubis, ainsi qu'un sceptre à tête de dragon incrusté d'autres rubis, constituent les symboles de son pouvoir. Le sceptre, don de l'époux rouge de Tiamat, Gphélémon, est peut-être la représentation physique de la trêve existant entre dragons rouges et githyankis.
    Les githyankis révèrent la reine liche comme la belle mère de leur race et peu oseraient jamais la contredire. Pour eux, sa parole est pure vérité. Malgré cela, la reine liche protège jalousement sa position. Elle dévore l'énergie vitale de tout githyanki dépassant le niveau 16. Ainsi, elle nourrit son esprit mort-vivant et élimine du même coup ses futurs rivaux,

     

     

     

    Navire astraux githyankis

    Les githyankis possèdent certains dons de création d'objets leur permettant de construire leurs célèbres navires astraux. Chaque navire est difficile à fabriquer et exige des années de travail. Les petites communautés n'ont accès qu'à une poignée d'entre eux, tandis que les grandes villes forteresses comme Tu'narath disposent d'une véritable flotte, certains navires étant utilisés à des fins commerciales.
    Les navires astraux ont des tailles variables, allant du petit esquif au fier galion, tous ressemblant un peu à des navires à quille terrestres. La plupart sont équipés de harpons et de balistes, et les navires astraux les plus imposants possèdent même des catapultes. Les navires astraux peuvent effectuer des attaques de bélier contre d'autres navires, mais également contre les créatures plus grandes et celles plus petites de deux catégories maximum.

    Déplacements et combats

    L'absence de gravité du plan Astral en laii un lieu où il est difficile d'évoluer, la plupart des habitants du plan se déplacent en pensant à une direction précise. Cela correspond à un vol d'une manœuvrabilité excellente, à une vitesse de déplacement maximale de 3 mètres par point d'Intelligence. Lorsqu'un personnage manœuvre dans le plan Astral, le «  haut » et le « bas » ne sont déterminés que par l'orientation du voyageur (le bas se trouvant sous ses pieds et le haut au-dessus de sa tête). Contrairement à un vol normal, le fait de s'élever ou de descendre dans le plan Astral n'a aucun effet sur la vitesse d'un personnage et il n'est pas nécessaire de conserver une certaine vitesse pour continuer de voler.
    Un personnage astral peut effectuer tin double déplacement, mais sa manœuvrabilité est alors réduite de moitié. Tout personnage astral peut se déplacer à quatre fois sa vitesse (ce qui correspond à la vitesse de course), mais sa manœuvrabilité tombe alors à déplorable.
    Les personnages possédant une Intelligence de 0 ou n'ayant pas de valeur d'Intelligence (comme par exemple les golems) peuvent se déplacer très lentement, et seulement en prenant appui sur d'autres objets solides. Leur vitesse maximale est de 3 mètres et ils ne peuvent ni effectuer de double déplacement ni courir. S'ils se retrouvent au sol sous l'effet d'une force de gravité quelconque, ils peuvent se déplacer normalement.
    Les distances sont trompeuses dans le plan Astral et les cartes sont pratiquement inutiles au sein de cette étendue brumeuse. Le temps nécessaire à un individu ou à un groupe pour atteindre un endroit particulier du plan Astral dépend de la familiarité des voyageurs avec les lieux.

    Familiarité Durée du voyage
    Très familier 2d6 heures
    Étudié avec soin 1d4 x 6 heures
    Vu à l'occasion 1d4 x 10 heures
    Vu une fois 1d6 x 20 heures
    Description seulement 1d10 x 50 heures

    «Très familier » désigne un lieu où le voyageur s'est rendu très souvent et où il se sent chez lui. « Etudié avec soin » s'applique à un lieu bien connu grâce à des visites régulières, dont la majorité des mares de couleur utilisées auparavant par le voyageur. « Vu à l'occasion » concerne un lieu connu par des visites occasionnelles, dont une mare de couleur d'un type particulier, mais pas une mare de couleur spécifique (par exemple, n'importe quelle mare de couleur menant à Ysgard, et non une mare de couleur particulière menant à Ysgard). « Vu une fois » désigne un lieu observé une fois seulement ou un lieu observé uniquement par magie. « Description seulement » s'applique aux descriptions verbales ou écrites, bien qu'une carte du lieu soit de toute façon inutile pour un plan où l'absence de paysages est si criante.
    Les voyageurs du plan Astral ne souffrent d'aucune pénalité de mouvement due à l'armure ou à l'équipement mais, durant leurs déplacements, ils ne peuvent transporter plus qu'une charge lourde.
    Tout mouvement réalisé dans le plan Astral est silencieux.

     

    Combat astral

    Le plan Astral ne possédant pas de gravité, les attaquants peuvent surgir de tous les côtés.
    Par conséquent, sans gravité ou quoi que ce soit d'autre pour l'affecter, une flèche peut très bien voler indéfiniment. La pénalité de chaque facteur de portée au-delà du premier est de -1, et non de -2. Il n'y a pas de portée maximale, à l'exception de la distance maximale à laquelle porte le regard de l'attaquant.
    Le plan Astral affiche la caractéristique de passage du temps immuable en matière d'éléments tels que le poison ou les maladies, et un magicien empoisonné dans le plan Astral n'est pas affecté jusqu'à ce qu'il rejoigne un autre plan. Un voyageur sous forme astrale ne serait même pas affecté du tout, les dégâts subis par la forme astrale n'étant pas transmis au corps, situé sur un autre plan. Le plan Astral est également intemporel en matière de guérison naturelle et seules les guérisons magiques fonctionnent.
    Les voyageurs du plan Astral ne subissent pas de pénalités de vitesse de déplacement dues à l'amure ou au poids transporté. Toutefois, les pénalités d'armure et les risques d'échec des sorts profanes s'appliquent toujours.

     

     

    Propriétés du plan astral

    Même s'il est principalement constitué de vide, le plan Astral possède certaines caractéristiques intéressantes pour le voyageur.
    Il n'y a ni jour ni nuit dans le plan Astral. Au lieu de cela, une grise brillance illumine l'ensemble du plan de toutes les directions. Même si la région semble vide, le regard porte à environ 180 mètres. Les autres sens fonctionnent normalement.

    Tempêtes psychiques

    Le vent souffle dans le plan Astral, mais il n'affecte généralement pas le voyageur. Vêtements et cheveux ont tendance à flotter vers l'arrière pendant un voyage astral, mais les vents psychiques soufflent rarement plus fort qu'une légère brise.
    Parfois, certaines régions du plan Astral donnent pourtant naissance à des tempêtes psychiques qui s'abattent sur les lieux, ce qui retarde les voyageurs ou les emporte vers d'autres plans. Les tempêtes psychiques peuvent également affecter l'esprit des personnages.
    La tempête elle-même éclate généralement sans crier gare. Le plan Astral s'assombrit dans une certaine direction et les ténèbres engloutissent rapidement tout sur leur passage. Seuls ceux qui s'éloignent en ligne droite de la tempête à une vitesse de déplacement de 180 mètres peuvent lui échapper. Les autres son avalés.
    Tout personnage pris dans un vent psychique peut se voir dévié de sa course et souffre mentalement des turbulences psychiques causées par la tempête. Malgré leur violence, les tempêtes psychiques soufflent généralement dans la même direction, de sorte que plusieurs voyageurs pris dans la même tempête se voient poussés vers la même destination. Consultez la table ci-dessous, en jetant les dés une fois par groupe pour les effets de lieu, et une seconde fois par personnage pour les désagréments mentaux.
    Effet de lieu, voyageur sous forme physique

    1dlOO Effet
    01-40 Dévié. Ajoutez ld6 heures à la durée du voyage.
    41-60 Perte du cap. Ajoutez 3d10 heures à la durée du voyage.
    61-80 Perdu, le voyage recommence depuis le début.
    81-100 Envoyé au travers d'une mare de couleur aléatoire.

    Effet de lieu, voyageur sous forme astrale

    1dlOO Effet
    01-40 Dévié. Ajoutez ld6 heures à la durée du voyage.
    41-60 Perte du cap. Ajoutez 3d10 heures à la durée du voyage.
    61-80 Perdu, le voyage recommence depuis le début.
    81-95 La corde d'argent subit 2d10 points de dégâts, puis le voyageur est dévié (comme ci-dessus).
    96-100 La corde d'argent subit 4d10 points de dégâts, puis le voyageur perd son cap (comme ci-dessus).

    Effet mental <h>Effet</h>

    1dlOO
    01 40 Étourdi (pas de jet de sauvegarde) pendant ld6 minutes.
    41-50 En proie à la confusion (annulé par un jet de Volonté, DD 20), comme le sort de confusion, pendant 3d8 minutes.
    51-60 Inconscient (annulé par un jet de Vigueur, DD 20) pendant IdlO heures.
    61-80 Terreur (annulé par un jet de Volonté, DD 20), comme le sort, pour 2d10 minutes.
    81-90 Débile (annulé par un jet de Volonté, DD 20), comme le sort de débilité, pendant 2dl0 heures.
    91-95 Douleur (annulé par un jet de Vigueur, DD 25), comme le sort de symbole de douleur, pendant 2d10 x 10 minutes.
    96-100 Aliénation mentale (annulé par un jet de Volonté, DD 25), comme le sort du même nom.

     

    Objets astraux

    Des morceaux de matière solide parsèment le plan Astral. La plupart de ces objets ont été aspirés par des mares de couleur ou abandonnés par des aventuriers peu soigneux (ou décèdes). Il est lacile pour le voyageur de repérer de tels objets (tant qu'ils se trouvent à portée de vue) et de manceuvrer dans leur direction. Les autochtones du plan Astral, en particulier les githyankis, voguent souvent sur les vents astraux à la recherche de débris à ajouter à leur forteresse ou à leurs réserves.
    Environ 10 % des débris découverts possèdent une certaine valeur (l'équivalent d'un trésor de niveau 10). Il peut s'agir d'un coffre verrouillé, d'un cadavre ou d'un sac sans fond ayant connu un destin funeste après avoir été placé dans un puits portable et projeté dans le plan Astral. Malheureusement, les trésors de valeur découverts de celte manière possèdent souvent un propriétaire puissant désireux de récupérer son bien...

     

     

     

    Divinités défuntes

    Si votre cosmologie intègre des divinités mortes (puissances oubliées des temps jadis, déités adorées par des races aujourd'hui disparues, ou même des panthéons entiers ayant perdu une lutte de pouvoir), c'est dans le plan Astral que leur forme physique repose - le cimetière des dieux.
    Ce qui se produit à la mort d'une divinité - et, tant que nous y sommes, la réponse à la question de savoir si une divinité peut tout simplement mourir — dépend de vous. Mais imaginez la forme massive d'un dieu oublié depuis longtemps flottant dans le plan Astral, recouvert de détritus et de mousse au point qu'on ne puisse le reconnaître immédiatement ! Ces masses vaguement humanoïdes peuvent varier de quelques dizaines de mètres à plusieurs kilomètres de long. En outre, les dieux morts créent une force gravitationnelle. Là, les habitants astraux peuvent trouver un « bas » et marcher normalement, bien qu'il leur suffise d'une pensée pour repartir et se libérer de la force de gravitation du divin cadavre.
    Les massifs corps physiques des déités étant indestructibles, il est possible d'y bâtir. Certaines races, parmi lesquelles les githyankis, plus agnostiques, se servent de dieux morts comme de bases d'opérations. il est impossible de déplacer une déité morte ou de lui faire quitter le plan Astral. Toute tentative visant à déplacer un dieu mort échoue, ce dernier réapparaissant brusquement à sa place dans le plan Astral.
    Si l'on part du principe que ces grands corps existent, que sont vraiment les déités mortes ? Cela dépend de vous, mais voici quelques idées ...

    • Il s'agir vraiment des dépouilles de certaines divinités, qui n'attendent que le retour de leur esprit et de leur conscience pour recouvrer tous leurs pouvoirs.
    • Ce ne sont pas des dieux, mais des pierres tombales destinées aux dieux - de grandes idoles provenant des plans extérieurs et envoyées à la dérive à la disparition de la divinité concernée.
    • Ce sont bel et bien des divinités, mais elles ne sont pas mortes. Elles sont seulement endormies, attendant le retour de leurs disciples qui, un jour, rassembleront assez de force pour leur permettre de se réveiller et de recréer le cosmos...

    De manière similaire, le processus permettant de ramener une divinité à la vie dépend de votre cosmologie, mais disposer du corps est certainement un bon début. Par conséquent, les voyageurs découvrant un dieu mort rencontreront probablement des adorateurs, des prêtres ou peut-être même un contingent permanent d'adeptes. Certains peuvent être d'anciens disciples du dieu cherchant à protéger sa forme physique contre les profanateurs. D'autres peuvent être des adorateurs de divinités ultérieures cherchant à éviter le réveil de ce même dieu. Mais aucun ne se montrera aimable envers les intrus.

     http://www.gemmaline.com/plan/astral.htm

      


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