• la légende des anges de mons

      

     

     

     

     Une étrange histoire qui a parcouru l’Angleterre, presque aussi répandue que la rumeur des « bébés-guerre », dit qu’à la bataille de Mons, les Anglais ont été sauvés par une intervention angélique. Les armées célestes seraient apparues aux côtés des Anglais, les encourageant dans leurs efforts et semant la terreur dans les rangs allemands. Cette histoire a eu l’appui du Dr Horton, le prélat anglais congrégationaliste bien connu, qui en a fait part dans un sermon. Les journaux religieux, aussi bien que profanes, débattent à présent de la crédibilité de tels récits d’intervention miraculeuse, et un journal religieux, comme The Guardian, est contraint de répondre aux protestations de certains de ses lecteurs s’élevant contre les mises en garde qu’il avait émises « à l’encontre d’une trop grande disposition à croire en ce qui est miraculeux ». L’origine de l’histoire semble, à présent, pouvoir être trouvée dans « un petit essai sur l’allégorie » accordé à un journal du soir par Mr Arthur Machen. Dans une lettre adressée à The Evening News (Londres), l’auteur lui-même avoue la part qu’il y a jouée :  

     « De temps à autre, en

     septembre dernier, je pensais à la terrible et héroïque retraite de Mons. Il y a de nombreuses années, déjà, j’ai parlé d’un conte, mais, d’une manière ou une autre, il y avait un feu dans cette histoire qui brûlait en moi, et qui me faisait souhaiter que je puisse la célébrer d’une humble manière. Et c’est ainsi que le conte « The Bowmen » (les archers) naquit dans mon esprit. Très très succinctement, c’est l’histoire des troupes britanniques en proie à l’angoisse et au désespoir, désespérément écrasées en nombre, au point de vue hommes et fusils. L’un de nos soldats invoque l’aide du patron de l’Angleterre, Saint Georges. Saint Georges déploie les esprits des archers d’Azincourt, et l’armée allemande est anéantie par leurs flèches spectrales. C’est tout.

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    C’était une petite légende, tout à fait simple et ordinaire, du champ de bataille, et je l’ai écrite et traitée sommairement et j’aurais souhaité l’améliorer. Je pourrais dire, une fois pour toutes, que je n’ai entendu aucune sorte de rumeur d’une quelconque intervention spirituelle au cours de la retraite de Mons, ni le moindre écho d’une telle rumeur. « The Bowmen », tel que ce récit fut publié dans The Evening News, était de la pure invention, au même titre que toute autre histoire pouvant être inventée. Tout le monde a fait comme si le conte était authentique. Le clergé a dit ceci. L’armée a dit cela. Les occultistes ont dit ceci. Toutes sortes de vagues autorités – « un officier », « un soldat », « un correspondant » - furent citées pour montrer que l ‘incident d’intervention spirituelle, ou quelque chose de très semblable, s’était réellement produit. Les noms de ces témoins n’ont pas été cités. »

      

     

     

     


    Il semble, à présent, que le Dr Horton fut satisfait par des témoignages « non pas de première main, ni même de seconde main ». Mais Mr Machen, après lui avoir rendu visite, s’est rendu compte que, dans tous les cas, le Dr Horton soutient qu’un tel cas d’intervention spirituelle est « éminemment crédible ». Mr Machen cite le prélat comme ayant déclaré :

     « J’étais plus particulièrement disposé à croire à l’histoire de l’apparition angélique durant la retraite de Mons à partir de ce que j’ai entendu moi-même d’un lecteur de l’armée. Il m’a dit que tous les hommes qui étaient engagés dans cette retraite étaient des hommes métamorphosés. Ils avaient tous prié et ils avaient tous éprouvé une sensation d’exaltation spirituelle ; et c’est ainsi que le conte semblait s’accorder avec leurs expériences. »

     The New Statesman (Londres), un des hebdomadaires anglais récents, traitant essentiellement de politique et de littérature, prête une oreille attentive à l’histoire, en la considérant sous l’angle de nombreux cas de participation angélique aux affaires des hommes :

     « La pauvre Jeanne d’Arc a sauvé son pays et a perdu sa vie, du fait de la vision d’un ange. Ce n’est pas la vision, mais les voix qui ressortent le plus dans son histoire, mais tout a commencé par une vision. Alors qu’elle avait 13 ans, elle s’était amusée, un jour, à courir avec d’autres jeunes filles qui gardaient des moutons avec elle dans une prairie ; elle courait tellement vite que ses pieds ne semblaient pas toucher le sol, et l’une des autres jeunes filles s’écria : « Jeanne, je te vois voler très près de la terre ». Lorsqu’elle se reposa, par la suite, un jeune homme s’adressa à elle et lui demanda de rentrer à la maison, car sa mère avait besoin d’elle. Ce jeune était vraiment un ange, car lorsqu’elle fut rentrée, elle se rendit compte que sa mère ne l’avait pas du tout cherchée, mais qu’elle était fâchée contre elle parce qu’elle avait abandonné ses moutons . . . 
     « L’histoire de Jeanne d’Arc est au moins aussi incroyable que celle des anges de Mons, et pourtant, combien d’entre nous refusent d’y croire dans leurs cœurs ? Jeanne, avec ses anges, comme Socrate avec son daïmon, est un personnage trop vital dans la grave procession de l’histoire, pour qu’on la rejette avec une arrogante omniscience d’incroyance. En tout cas, l’imagination humaine n’abandonnera pas le monde des anges sans combattre. Croyons-nous aux anges ? Sommes-nous sceptiques à leur égard ? Nous ne savons rien. »

     Cependant, The Guardian, dans son éditorial, met ses correspondants en garde contre le danger commun de confondre deux choses tout à fait différentes :

     

     

    « Ils ne réalisent pas que la ligne séparant la croyance en une possibilité générale de la croyance en un événement supposé, spécifique, est large. Celui qui ne croirait pas en la possibilité d’une intervention céleste dans les affaires humaines serait un pauvre chrétien ; mais il est parfaitement en droit – il est contraint, en fait – de refuser de croire à un prétendu cas particulier d’une telle intervention, à moins qu’il ne trouve une preuve manifeste accréditant la réalité de cette intervention. Dans le cas des anges de Mons, beaucoup de gens étaient enclins à croire en quelque chose dont ils n’avaient aucune preuve ; rien ne s’est passé ayant le caractère d’une certitude absolue. La semaine dernière, nous avons mis en garde contre cette propension à croire sans preuves, et l’explication qui était sur le point de paraître, presque avant, même, que l’encre ait séché sur notre mise en garde, est notre complète justification. Dans ce cas, la volonté de croire était, comme chez de nombreuses personnes, plus forte que le sentiment de preuve. Dans de tels domaines, nous avons tous la volonté de croire ; mais nous portons atteinte à la religion, plutôt que de l’aider, en étant trop prompts à prendre une conversation courante pour une preuve définitive. Le système de black-out – parfois absolument nécessaire, parfois complètement stupide – caractérisant cette guerre, a encouragé la propagation de nombreuses rumeurs sauvages, dont l’absurdité n’a pas empêché que les gens y ont accordé foi ; et il serait désastreux que ceux qui pensent imperturbablement que tous les événements humains ont des antécédents spirituels, soient prêts à croire en une rumeur, au seul motif qu’elle ait une signification manifestement et immédiatement spirituelle. Il est vraiment de notre devoir de protéger les arcanes sacrées de la vulgarisation, et nous manquons à nos obligations si nous fixons notre foi à ce qui, pour autant que nous sachions, n’est que du bavardage ou, dans le cas des anges de Mons, un écho indirect d’une imagination habile et délibérée. Rien n’est plus naturel ou plus humain que d’aspirer, dans la difficulté ou la détresse, à un signe des cieux ; cependant, une telle aspiration n’est que la négation de la foi, car, après tout, c’est par la foi, et très rarement, seulement, par la vision, que nous devons cheminer. « La foi est la substance des choses que nous espérons, l’évidence des choses que nous ne voyons pas ». 
      
     

                                                        CES ANGES A MONS

                                SOURCE : LITERARY DIGEST – 25 septembre 1915

                        TRADUCTION EN FRANÇAIS PAR FRÉDÉRIC LIENHARD


      
    Aucun phénomène de psychologie religieuse a, récemment, été si répandu et marqué dans ses résultats que le fameux incident des « anges de Mons ». L’histoire de l’apparition angélique et de sa participation dans cet engagement, en Belgique, en sauvant les forces britanniques de la destruction, a été relatée dans ces pages. Mais ce qui est spécialement remarquable, c’est la diversité des opinions, en Angleterre, concernant cette histoire. « Pour des milliers de gens, une preuve manifeste de la réalité objective des phénomènes qui se seraient produits, compenserait presque les horreurs de la guerre elle-même » déclare The Christian Commonwealth (Londres) dans un long éditorial. « Cela fortifierait leur foi religieuse, qui a considérablement souffert de la guerre, et renforcerait la croyance en la justice de la cause pour laquelle tant d’hommes sont tombés au cours de cette magnifique retraite et rétablissement presque miraculeux sur les rives de la Marne. » D’un autre côté, on nous dit qu’il y a des « sceptiques invétérés et de nombreux étudiants et instructeurs religieux sérieux qui estimeraient être en présence d’un désastre intellectuel si une telle histoire recueillait un crédit général ».

     Parce qu’  « ils craignent un retour de la superstition. On a effectivement dit que la liberté démocratique en Europe serait chèrement acquise pour le prix du réveil de la croyance aux anges, aux interventions surnaturelles et aux miracles. Nous pouvons cependant aisément croire qu’il y a une foule d’hommes et de femmes intelligents pour lesquels ces histoires ne sont pas, comme pour nous, une preuve de la disposition à croire, naïvement et puérilement, à des signes et à des miracles – et de nous les représenter s’ils n’apparaissent pas spontanément – mais une preuve du désir persistant d’identifier nos préoccupations humaines à quelques desseins et significations plus étendus. Ces histoires prouvent que l’homme est essentiellement religieux, même si elles ne prouvent pas que la religion trouve une sanction objective en elles. Elles témoignent du mysticisme naturel de l’homme naturel, qui doit inclure Dieu dans ses affaires et qui tire une satisfaction spirituelle particulière d’histoires qui attendent toujours une démonstration satisfaisante de leur vérité objective. » 
     

    L’histoire de Mons, déclare l’auteur, en résumé, « présente un curieux mélange d’un récit détaillé qui pourrait être vrai et d’une fantaisie littéraire, admise comme étant de la fiction » :

    « Mr Ralph Shirley, éditeur de The Occult Review, a rassemblé toutes les données pertinentes dans un petit pamphlet intitulé « Les Anges Guerriers de Mons ». Il est contraint de commencer avec la fiction littéraire. Le 29 Septembre de l’année dernière, Mr Arthur Machen, un journaliste bien connu de Fleet Street, a écrit, dans le journal londonien Evening News, une histoire intitulée « L’Archer », publiée depuis sous forme de livre, avec d’autres légendes de la guerre. Mr Machen, très franchement, a avoué que son histoire était de la pure fiction ; elle décrit l’expérience d’un soldat britannique qui se trouve être l’un du millier de camarades tenant une fortification au cours de la retraite de Mons et s’efforçant d’entraver l’avance de dix mille fantassins allemands.

     

     

    Les Anglais savent que leur position est désespérée, mais ils ont l’intention de tenir cette fortification. Au cours du combat, l’un des soldats se rappelle de la devise figurant sur toutes les assiettes du restaurant végétarien à Saint Martin’s Lane : « Adsit Anglis Sanctus Georgius ! » (Puisse Saint George aider à présent l’Angleterre !). Il énonce mécaniquement la prière et perçoit immédiatement une vision stimulante. Dans cette vision, il voit les esprits des anciens archers anglais qui viennent au secours des soldats : leurs flèches obscurcissent l’air lorsqu’ils tirent, et les Allemands fondent devant eux. Voilà l’histoire de Mr Machen  ; et en réponse à une enquête faite par Mr Shirley, il déclara tout simplement qu’elle  n’avait aucun fondement en dehors de sa propre imagination, et, en fait, il a consacré la plus grande partie de son temps à imprimer et à publier des démentis sur le fait que son récit se basait sur des faits réels. » 
      
      
    Mais, selon les découvertes de Mr Shirley, ces histoires étaient largement répandues en France au moment même de la retraite de Mons, près d’un mois avant la publication par le journaliste de son histoire :

     « Nous sélectionnons des récits typiques, pas tous issus du pamphlet de Mr Shirley. Un soldat de 1ère classe, blessé, et se trouvant à présent dans un hôpital anglais, a fait part à son infirmière de son expérience survenue le 28 Août ; il déclare avoir vu au milieu des airs une « lumière étrange », qui devint de plus en plus brillante, jusqu’à ce qu’il ait pu discerner trois formes, l’une, au centre, présentant ce qu’on pourrait qualifier d’ailes étendues ; les deux autres n’étaient pas aussi grandes, mais se distinguaient très nettement de celle du centre. Elles semblaient être revêtues d’un habit long et ample d’une couleur dorée, et elles se trouvaient au-dessus des lignes allemandes nous faisant face. Selon lui, d’autres auraient eu cette vision. Dans d’autres récits, il est toujours fait mention du nuage lumineux, et il est dit dans l’un de ces récits que des objets brillants semblaient évoluer dans le nuage. Il apparut, un moment, que l’attaque allemande était entravée. On pouvait voir les chevaux ruer et se cabrer, et ne plus avancer. »

     « L’un des récits les plus détaillés a été fait par le soldat Robert Cleaver (N° 10515) du 1er Régiment du Cheshire, qui fit sa déposition sous serment devant Mr George S. Hazlehurst, juge dans le Comté de Flint, le 20 Août de cette année. Voici sa déclaration :

     « Je me trouvais personnellement à Mons et eus la vision d’anges avec mes propres yeux ». Son récit, rapporté par Mr Hazlehurst, mentionne que la situation de nos troupes était désespérée ; ces dernières étaient retranchées derrière des touffes d’herbe, pour se mettre à l’abri, lorsque la vision surgit entre eux et la cavalerie allemande : « Il la décrivit comme un flash », déclara Mr Hazlehurst. « Je lui demandai si les anges se trouvaient à cheval, ou avaient des ailes. Il ne put que répéter que l’apparition était comme « un flash ». Les chevaux de la cavalerie se précipitèrent dans toutes les directions et furent désorganisés ; la charge se disloqua, mais cela suffit largement à faire rebrousser chemin à la cavalerie allemande ». Le Révérend A. A. Boddy, vicaire de All Saints, Sunderland, qui est revenu récemment du front, déclare qu’il avait eu plusieurs occasions d’enquêter sur ces histoires. La preuve, affirme-t-il, bien que n’étant pas toujours directe, était remarquablement cumulative et a été fournie par des canaux méritant tout le respect. Mr Shirley fait également mention d’une apparition de la Vierge Marie la nuit avant que les Russes ne livrent bataille à Augustovo, en Octobre 1914. »

       
    Il est précisé qu’aucune de ces histoires ne peut, par elle-même, fournir la preuve d’une intervention objective des anges à Mons.

    « Elles offrent une grande analogie avec les histoires extraordinaires de « Visions, Pré-visions et Miracles dans les Temps Modernes », décrites par Mr E. Howard Grey dans un livre portant ce titre, qui paraît opportunément en ce moment même. Ce volume est truffé de détails de phénomènes psychiques analogues aux histoires de Mons. Il fait, notamment, mention de lumières dans le ciel vues par beaucoup de gens au cours du Réveil en Pays de Galles, et renferme beaucoup d’informations sur des rêves prophétiques, des visions, et de nombreux signes et miracles liés à de grands événements politiques et militaires, dont la littérature fait état avec profusion. L’extraordinaire fréquence de tels phénomènes surnaturels en temps de crises et de changements est indiscutable. Elle suggère une explication possible, que des gens, indépendamment persuadés de la vérité de telles expériences, qui font l’objet des investigations de la Société de Recherches Psychiques, n’auront pas du mal à accepter. Si l’on accorde foi à la conception exprimée avec tant de simplicité et de confiance par Swedenborg – à savoir que l’homme est constitué de telle manière qu’il se trouve simultanément dans le monde spirituel et dans le monde naturel – il n’est pas difficile d’imaginer qu’en période de grande exaltation spirituelle, les hommes deviennent conscients de présences et de pouvoirs auxquels ils sont étrangers en période normale. Swedenborg, à nouveau, a dit, avec tout autant de simplicité et de confiance, que le monde spirituel était là où se trouvent les anges, et que le monde naturel était là où se trouvent les hommes : mais la recherche psychique moderne n’aurait rien accompli si elle ne prouvait l’interpénétration de ces deux mondes, en montrant que les forces occultes produisent leurs énergies au sein de notre monde, selon des voies situées au-delà de notre entendement.

     « Le sceptique peut, bien entendu, rejeter de telles histoires, comme celle des anges de Mons, comme étant de la pure superstition – ce qui est à la fois une attitude non scientifique et négative. Cette position nous attire tout aussi peu que la position plutôt pathétique de ceux qui recherchent un témoignage quasi légal quant à l’existence d’un monde spirituel où se trouve plongé notre propre monde, en invitant des soldats à faire des déclarations sous serment dans la forme adéquate. Que des manifestations surnaturelles aient été observées dans les cieux de Mons est, certes, une affaire qui doit être tranchée par les témoins oculaires, et plus il y a de témoins oculaires, mieux cela vaut. Mais nous n’avons pas l’habitude d’édifier notre foi envers un monde spirituel, qui est le centre et la source de toute notre vie, sur la base de documents certifiés sous la forme légale. Le test ultime de la valeur de ces récits ne se trouve pas dans la possibilité d’en apporter la preuve objective (en fait, dans le désir de les prouver littéralement il y a quelque chose de comparable au matérialisme qui nie leur existence réelle) mais plutôt s’ils sont en accord avec la conception que nous nous sommes forgés de l’univers, et s’ils nourrissent une véritable religion spirituelle. A supposer que les récits sur l’apparition extérieure des anges de Mons n’ont pas été prouvés, est-il déraisonnable de considérer la persistance, à toutes les époques et dans tous les pays, de ces histoires et l’empressement avec lequel on leur accorde crédit comme attestant une grande réalité spirituelle ? » 

     


       http://membres.multimania.fr/tau_ceti/angesmons.html
      


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